Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
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Un instituteur à l'ancienne mode
Jean Obrecht est
né le 25 mars 1860,
à 6 heures du matin
à Andolsheim où il est baptisé le 9 avril. Fils de maçon, il accède à un autre niveau
social par
son métier d’instituteur.
Selon André
Hild (1912-2009), dernier témoin qui l’a
encore connu
et a pu être interrogé,
c’était un homme dont
la personnalité dépassait cette condition
d’instituteur, avec toutefois une certaine tendance au
pédantisme, propre à sa profession à
l’époque. Sa bibliothèque - en partie
conservée - est caractéristique de la culture
bourgeoise
allemande de la fin du XIXe siècle :
l'encyclopédie Meyer (Meyer's
Konversations- Lexikon) en
15
volumes (1874-76), un atlas de 1881, les oeuvres de Goethe et Schiller,
une
histoire de la littérature allemande, un traité
d'esthétique et diverses collections
reliées de revues destinées au grand public (Über Land und Meer,
Moderne Kunst,...).
On sait par sa petite-fille
qu’il
était féru de botanique et on garde encore son
herbier.
Elle se souvenait aussi qu’elle s’endormait, dans
sa
chambre à l’étage, au son du piano dont
son
grand-père jouait au rez-de-chaussée. Il faisait
partie
d'un choeur d'enseignants et berçait volontiers sa
petite-fille
de chansons lorsqu'elle était malade.
De
sa
confirmation il reste une grande gravure bleue et argent, de
style «gothique», qui lui a
été remise à Andolsheim le dimanche des Rameaux
1874
par le pasteur Martin Krencker dont le fils Daniel, architecte et
archéologue connu, naît la même année.
Le verset qui lui a été attribué
est Psaumes
86,11: «Weise mir, Herr, deinen Weg…»
[Seigneur,
indique-moi ton chemin…]. Il se marie à
Andolsheim, le
lieu de résidence de son épouse Salomé
Hild, fille d'un aubergiste, le 6
novembre 1883.
Un pasteur Schmidt préside à la
cérémonie et attribue aux époux le
verset:
Proverbes 3,33: "Der Fluch des Herrn ist im Hause des Gottlosen, aber
die Wohnung der Gerechten segnet er" [La malédiction de
l'Eternel est dans la maison du méchant, mais il
bénit la demeure des justes]. L’acte de mariage lui
attribue comme domicile Colmar où, jeune
instituteur stagiaire, il
réside
encore à la fin de cette année 1883 quand il est
témoin
d'un mariage. C'est cependant à Andolsheim que le couple
déclare le 12 août 1884 la naissance d'une fille, Salomea Johanna, qu'on n'appellera jamais autrement que Jeanne dans la famille.
A l'époque Jean Obrecht est sur le
point
d'être nommé à Mulhouse et on peut
supposer que son
épouse s'est rendue auprès de ses parents pour
accoucher
.
Comme
autre document administratif on ne possède qu’un
extrait
de registre attestant, en 1920,
qu’il est inscrit parmi
«les personnes réintégrées
de plein droit
dans la qualité de Français en
exécution du
Traité de Paix du 28 juin 1919».
Quelques
photographies ont fixé ses traits pour la
postérité. Il y a d’abord un "ferrotype", une photographie sur une fine plaque métallique le représentant
jeune
homme, assis, coiffé d’un chapeau melon, en
compagnie de
sa fille Johanna/Jeanne et du cousin de celle-ci, Paul Hild. Il
s’agit d’une «photographie
instantanée»,
comme l’indique l’opérateur, un certain
George
Ochsenkiel, sur le support de carton en un jargon franco-allemand
(«Mulhause [sic] - Strassburg»). Ce document
atteste du succès dans les années 1880 de cette technique, volontiers utilisée par les
photographes ambulants pour sa simplicité et sa rapidité; d’après
l’âge des enfants, cet instantané doit
dater en
effet de 1886
ou 87. D’une excursion dans les Vosges, vers 1910, on garde
l’image d’un groupe où l’on
reconnaît,
outre Jean Obrecht, sa fille Jeanne avec son mari, ainsi que sa belle-soeur
Madeleine Obrecht-Hild.
Contrairement à celle de son homologue Georges Schmitt (cf. "Les Schmitt") la
carrière de Jean Obrecht est rectiligne, classique et sans
accrocs. En 1877, après l'école "primaire
supérieure", il entre à 17 ans à l'Ecole normale d'instituteurs
de Colmar pour un cursus de trois ans. Ses résultats se
maintiennent dans la moyenne (note 3 sur un échelle de 1
à 5). Il se distingue par sa bonne conduite (1), son application
(2/3) et son aptitude au chant (2). Une rubrique le considère
comme davantage apte à enseigner à la campagne
qu'à la ville. Du 9 au 14 février, puis du 23 au 28 février 1880
il passe deux séries d'épreuves écrites et orales
qui lui donnent d'une part l'équivalent du baccalauréat,
et sanctionnent d'autre part la fin des études d'instituteur (Prüfung 1).
Les notes du premier examen - moins sélectif? - sont
particulièrement bonnes (1 en histoire et calcul). L'examen de
fin d'études est une succession de 3, sauf un 2 en gymnastique.
On remarque l'importance de l'éducation musicale: chant, piano,
orgue et violon. On demande en effet souvent au village à
l'instituteur de tenir l'orgue et de diriger la chorale de
l'église.
Reçu
avec 26 autres candidats Jean Obrecht reçoit un diplôme
provisoire l'autorisant à enseigner dans une école
primaire. Il lui faut encore effectuer un stage pratique de trois ans. Le 9
juin 1880 son nom apparaît sur une liste qui l'affecte à
un poste à Colmar où il exercera et
résidera jusqu'en 1883.
Après cette période
probatoire il passe
avec succès l'examen final (Prüfung 2)
du 9 au 13 avril
1883. Ses notes se maintiennent à nouveau dans la moyenne avec
une majorité de 3. On remarque trois épreuves
écrites portant sur la pratique pédagogique,
l'enseignement de la religion et l'enseignement du chant. L'examen est
complété par une épreuve en situation devant une
classe. Le
12 septembre 1884
il est nommé à
Mulhouse
à
l'école
Koechlin où
il fera toute sa carrière. Le décret de sa nomination
définitive ne paraîtra toutefois que le 23 avril 1885 avec
effet au 1er du mois. Ce sont 40 ans de carrière qui
s'ouvrent devant lui avec un avancement régulier jusqu'au 10e échelon, atteint après la 28e année.
Extrait d'un registre de l'école Koechlin
L'école Koechlin, construite en 1865
est
l'une des plus anciennes et la deuxième plus importante de la
ville avec plus de 1000 élèves, garçons et filles.
Située
à
proximité de la populeuse Cité
Ouvrière, elle compte à l'époque une
vingtaine de classes, confiées à des instituteurs pour
les garçons et des institutrices (moins payées!) pour les
filles. Jean Obrecht a donc
été nommé dans
l'école dont Anna Schray-Krebs a fréquenté
peu auparavant
la section des filles. Au fil des ans on lui confie la
responsabilité de classes de plus en plus
âgées: commençant par la 7e en 1890, il
est en charge de la 3e A en 1907/08 et de la 2e A en 1910/11, une
classe
de "grands". Son traitement annuel augmente parallèlement et
passe entre 1890 et 1899 de 1800 à 2500 Marks.
Sur une
photographie de classe de 1917 ou 1918 on le voit
présider aux destinées
de 39 bambins de cette école Koechlin. Sa
physionomie est sévère, mais il a
placé grand-paternellement sa petite-fille devant lui. Dans
sa pleine maturité il en impose par
son air
d’autorité:
visage carré, cheveux
courts, moustache
hérissée: c’est ainsi qu’il
apparaît en
buste sur une photo grand format dont un tirage est accroché
dans la salle de séjour de son domicile, rue de
l’Espérance.