Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
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Les trois frères Obrecht
Que
dire de ces
ancêtres? Il s’agit de simples noms
qui
n’évoquent plus rien pour nous. Il n'en reste ni
portrait,
ni photographie, ni document manuscrit. On ne peut
qu’essayer de les imaginer à partir de leur
profession,
quand elle apparaît dans les actes. Du
côté des
hommes on trouve des artisans de village dans un environnement qui
reste essentiellement paysan. Qu'on soit cordonnier, forgeron ou
aubergiste on continue d'ailleurs à cultiver parallèlement
le lopin de terre familial. Les
épouses, en règle générale,
n'ont pas
d'occupation professionnelle. Les seules exceptions notées
concernent une
sage-femme et deux couturières, deux professions qui sont
amenées à se rencontrer dans des
circonstances
très particulières. En 1835, en effet, la
sage-femme
Anne Marie Obrecht déclare la naissance d'un
garçon, mis
au monde par une homonyme "Demoiselle Anne Marie Obrecht,
couturière"
dans la
maison de son père, tailleur. En 1851 elle
déclare encore
la fille illégitime d'une autre Anne Marie Obrecht, fille du
forgeron Nicolas, qui prénomme son enfant...Anne Marie. La
profession de couturière semble d'ailleurs permettre
l'accès à une émancipation féminine qui
n'est pas que financière. Ainsi une Salomé Obrecht, couturière et célibataire, met au
monde deux enfants illégitimes à 11 mois d'intervalle, le
premier étant mort peu après la naissance.
Ce qui ressort encore
à
travers les chiffres des registres, c’est que - passé le cap périlleux de l'enfance - on vit
relativement vieux -
parfois au-delà de 80 ans pour les hommes comme les
femmes. On se marie assez tard, vers 25 ans, ce qui fait que les
accouchements ne sont pas rares entre 30 et 40 ans. Le nombre
d'enfants, élevé, diminue progressivement au XIXe
siècle pour s'établir à trois
en moyenne.
Cependant Marie Salomé, l'épouse de Johann Michael
Obrecht, le
maréchal-ferrant, met encore huit enfants au monde entre 1822 et
1839, le premier naissant quatre mois après le mariage. Comme
dans les registres helvétiques de la généalogie
paternelle la mortalité néonatale est importante, mais ne
devient visible qu'avec l'état civil laïque, les pasteurs
n'enregistrant que les enfants ayant
survécu
jusqu'au baptême qui intervient ici généralement le
lendemain de la naissance. Un cas particulier est
représenté par les quelques nouveau-nés
baptisés d'urgence [genothtaufft]
par la sage-femme, car présentant les signes d'une
"faiblesse mortelle". Les jeunes enfants sont ensuite les
premières victimes des épidémies
récurrentes qui semblent cependant sévir moins violemment
que dans les campagnes
suisses avec une épidémie de variole brutale mais
limitée entre mars et juin 1771 et à nouveau en l'an IV
et V de la République.
Ces
divers éléments
semblent indiquer un milieu relativement aisé, assez
évolué et instruit, héritier
d’une culture
déjà ancienne, façonnée par
la
Réforme et favorisée par la proximité
de la ville
de Colmar. On note toutefois, au XVIe siècle, un nombre
élevé de
décès de personnes étrangères à la
commune, des errants vivant de mendicité. Les années 1570
paraissent avoir été particulièrement
meurtrières pour cette population flottante et anonyme,
signalée dans le registre des décès par: "ein armer bettler", "ein armer bettelsmann" [un
pauvre mendiant], "ein armer mahn des nahmen man nicht wÿss" [un
pauvre homme dont on ne connaît pas le nom]. En novembre 1570 c'est
toute une famille qui périt: un mendiant, sa femme et sa fille.
En ce qui concerne l'alphabétisation les témoins des
actes apposent leur nom avec plus ou moins d'habileté. On
note pourtant encore quelques "marques de signatures" (croix ou
autres) au début du XIXe siècle, comme celle - en 1809 -
de cette "nouvelle épouse qui ne sait pas du tout
écrire", de même que son père, un journalier "qui
ne sait non plus écrire". La commune voisine de Horbourg,
où résidait une importante communauté
israélite, présente un cas particulier. Jusque vers le milieu du XIXe siècle les époux
de cette confession et leurs témoins déclarent ne savoir
écrire ni en allemand, ni en français et apposent leur
"marque en lettre hébré" [sic]. L'ancienne
synagogue témoigne encore aujourd'hui de la vitalité passée de
cette communauté spécialisé dans le commerce du
bétail.
C’est
avec la génération de Jean Obrecht et de ses
frères Mathias et Jacques que l’on trouve, vers
1850, les
premiers documents personnels et la trace de quelques souvenirs. Ils
sont fils de Mathias,
maçon à Andolsheim, et de
Anne-Marie,
née Marschalk
Le
frère aîné, Mathias Obrecht,
naît
le 5 novembre 1856 à
Andolsheim. Lorsqu'il se marie au village, en 1882, il est employé au service des colis postaux (Postpaketträger) et il réside à Colmar. Son épouse, Emilie Hummel,
est originaire de Breitenbach dans la vallée de Munster. On leur
connaît cinq enfants, dont trois naissent à Colmar au 5 de
la rue Etroite (Enggasse):
Mathias (1883), Georg Albert (1884), Emilie (1885). A la naissance
d'Emil, en 1887, la famille a déménagé, non loin
de là, dans un immeuble bourgeois au 21 rue des Clés (Schlüsselstrasse).
Quand naît le cinquième enfant, Johanna Maria en 1890,
Mathias a été muté comme facteur à
Strasbourg et réside au 2 route de l'Hôpital (Spitalstrasse),
à la limite de Neudorf. Comme il décède à
Strasbourg en 1924 on peut supposer qu'il s'y est installé
définitivement.
Dans son journal Jean Obrecht évoque - pas toujours
en bien - son frère Matthias. Celui-ci est mentionné une
première fois le
15 novembre 1916, alors qu'il arrive de Colmar par le train en tant
qu’employé du service postal.
Dorénavant, on le
voit arriver toutes les semaines à Mulhouse où
Jean
réside, venant de Colmar ou Strasbourg, non sans provoquer
chez
son frère un certain agacement: Matthias est encore venu,
note-t-il régulièrement. Le fait qu’il
faille lui
prêter un soir 25 Marks n’arrange pas les choses.
Pourtant
cet importun rend des services; il semble quelque peu trafiquer et
fournit son frère en tabac à bon
marché (par ex.
600 g pour 7 Marks alors que le prix normal est de 7 à 15
Marks
la livre) et même, une fois, en viande de porc,
denrée
rare en temps de guerre.
La venue de Matthias est une des rares
occasions où son frère Jean va au
café, en
l’occurrence chez
"Dürrenbach". Le bistrot se plaint d’ailleurs
de ne pas avoir de nouvelles de l’argent qu'il a avancé à Mathias pour un achat de
tabac. Commentaire de son frère:
cela lui
ressemble bien. Il apparaît pour la dernière fois
dans une
note du journal, le 12 juillet 1918, lorsqu’il a
l’audace
de demander 36 Marks pour 750 g de tabac. Jean Obrecht se promet bien
de ne plus avoir affaire à lui. Pourtant le prix ne
paraît
pas excessif, le tabac - quand on en trouve - valant de 20 à
24
Marks la livre en juin, d’après les indications de
Jean
lui-même, et de 25 à 40 Marks en novembre 1918. On
sait
par ses
récriminations que Jean était grand fumeur,
n’hésitant pas à cultiver –
sans grand
succès – des plants de tabac dans le jardin de
l’école où il enseignait. Toujours
est-il que les
deux frères ont dû se quitter
fâchés et que
les relations cessent.
Sur le
frère puîné, Jacques,
né le 28 novembre 1862
à Andolsheim,
on a encore
moins
d’informations. En 1887 il épouse à Andolsheim, où il est facteur, une fille du pays, Madeleine Henninger. Il a dû être muté à Strasbourg puisqu'on l'y retrouve comme facteur auxiliaire (Posthilfsbote)
en 1889 lors de la naissance de sa fille Magdalena.
Les deux
frères, employés par la même administration, logent
alors à la même adresse route de l'Hôpital.
Cependant Jacques se retrouve veuf dès 1891 avec sa
fillette de 14 mois, son épouse étant
décédée à Andolsheim où elle
était peut-être retournée dans sa famille.
Après avoir été muté à Colmar, il se
remarie en 1892 avec une couturière de Horbourg, Marie Madeleine Obrecht, fille d'un cultivateur devenu employé de mairie. Ses
relations avec
son frère Jean semblent avoir été très
épisodiques. Celui-ci note
avoir
envoyé une carte de voeux à
«Jakob» pour le
Nouvel An 1917. D'après son journal il passe le voir quand il va à Andolsheim,
ce
qui signifie que Jacques habite toujours à
Colmar.
De
façon caractéristique pour l'époque les trois
frères Obrecht ont donc quitté leur milieu rural
d'origine pour s'installer comme fonctionnaires chacun dans une des
métropoles alsaciennes: Matthias à Strasbourg, Jean
à Mulhouse et Jacques à Colmar.
Andolsheim en 1909