Les Obrecht / Les
Hild / Les
Schmitt /
Les Obrecht-Schmitt
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Allons enfants...
Pour parachever
le tableau, il reste à considérer les
informations de
Jean Obrecht sur son métier
d’instituteur.
Lors de
la
rédaction des Kriegserlebnisse
il exerce sa profession
dans des conditions plus difficiles qu’en temps ordinaire.
Pourtant, il en parle assez peu. L’influence de la guerre se
fait
d’abord sentir sur le nombre des
élèves: celui-ci
augmente à mesure que des collègues sont
mobilisés. Lors de la reprise du 15 septembre 1914, on
ajoute 14
élèves à sa classe ordinaire. Pour
l’année scolaire 1916 - qui commence
traditionnellement en
avril - sa classe (l'«Oberstufe», le niveau
le plus
élevé) compte 46 élèves; il
en aura un
moment 54, et se plaint d'une certaine fatigue. Ce nombre diminue
fortement en cas d’épidémie;
l’école
sera même fermée quatre semaines au plus fort de l'épidémie de grippe
espagnole. Une partie des classes de son établissement,
l’école Koechlin, est
transférée les deux derniers hivers de guerre, à l'école
Fürstenberger
pour
économiser le chauffage,
La guerre a aussi une influence sur le comportement des
élèves dans ces classes surchargées. A
l’occasion d’une rixe au couteau, Jean se plaint en
février 1918 de la difficulté à
maintenir la
discipline, surtout dans la dernière classe, celle des
«grands» de 14 ans. Que faire? Recourir aux coups?
On
risquerait de se retrouver au tribunal. Donc: «Il
n’en est
pas question!» [Hand von der Sache!]... Au cours d'une
promenade
au Rebberg des garnements le bombardent avec des boules de glaise, ce
dont il se plaint auprès du directeur de la
Brüderschule.
Pourtant, il reste
foncièrement un pédagogue conscient de ses
responsabilités et n’hésite pas
à confisquer
la cigarette d’un gamin de dix ans qui fumait en public au
jardin
zoologique. Il se conforme d'ailleurs ainsi à une ordonnance
de
mars 1915 du général Gaede, le commandant
militaire de la
région, interdisant la vente de tabac aux mineurs de moins
de 16
ans.
L’enseignement ménage heureusement des loisirs. A
la
rentrée de 1918 Jean a 24 heures de cours hebdomadaires. Il
ne
fait aucune allusion à des devoirs à corriger.
Les
vacances se placent classiquement à Pâques,
Pentecôte et Noël; celles
d’été,
appelées «d’automne», vont de
la fin juillet à la mi-septembre; à cela
s’ajoutent les jours de congé occasionnels
déjà
évoqués. Si
notre instituteur se réjouit de
l’arrivée des
vacances qui signifient aussi séjour reconstituant
à la
campagne, il n’en aime pas moins son travail et
appréhende les six semaines de congés qui lui
sont
imposées quand sa petite-fille est atteinte de la
scarlatine.
Ses loisirs sont aussi mis à profit par cet homme actif pour
effectuer quelques activités d'appoint et ainsi arrondir ses
fins de mois: participation au décompte des
denrées de
base (pommes de terre, farine) détenues par les
particuliers,
participation au recensement.
Les rapports avec les collègues
n’apparaissent
guère. En revanche, l’inspecteur Hauptmann est
plusieurs fois
cité, à l’occasion d’une
inspection de classe
ou d’une cérémonie officielle
où il prend la
parole. Au grand dam de Jean, il se fait prier pour lui accorder le
congé exceptionnel de huit jours qu’il demandait
pour
aider au déménagement de sa fille en mars 1915,
sous prétexte qu’on n’en donne pas tant,
d’ordinaire, à un fonctionnaire pour son propre
déménagement. C’est moins
l’application
stricte du règlement qui est reprochée
à ce
représentant de l’autorité que la
morgue
qu’il affiche envers ses subordonnés,
alliée
à un nationalisme outrancier. Il n’est donc pas
surprenant
qu’après l’Armistice l'inspecteur ait
été
violemment attaqué, lors de l’assemblée
générale des enseignants qui s’est
tenue le 18
novembre à l'école Centrale. Cette
assemblée a
été, comme on peut s’en douter,
également
l’occasion de règlements de comptes entre
collègues.
Autre changement apporté par la victoire
française: les
élèves viennent en classe le 11 novembre 1918
munis de
drapeaux tricolores. Après une interruption de quelques
jours la
classe reprend, mais en
français, à la grande
joie des
élèves; ils apprennent la Marseillaise
et Mon
beau
sapin, certains avec application, d’autres avec
force
grimaces.
Jean Obrecht, qui a débuté sa propre
scolarité en
français, mais a fait ses études en allemand, a
eu
quelque mal à s’adapter. Sa petite-fille
prétendait
que les élèves avaient bientôt
dépassé le maître dans la
maîtrise du
français. Sa carrière, commencée comme
fonctionnaire allemand, a-t-elle été
entièrement
prise en compte pour sa retraite ? Peut-être y
a-t-il eu
quelque difficulté, car sa fille fait allusion sur une carte
postale de
février 1937 au fait qu’il touche
«à
nouveau» intégralement sa pension.