Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
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Comment passer de la limonade au bistouri
En
épousant Salomé
Jeanne Hild, Jean
Obrecht
s’est uni à cette
autre ancienne famille d’Andolsheim,
spécialisée
dans la tonnellerie. Après trois
générations de
tonneliers le père de Salomé, André
Hild
(1831-1885) abandonne l'artisanat familial et devient aubergiste. Le
frère aîné de Salomé,
né en 1856
et prénommé aussi André,
continue la voie ouverte par son père, mais à un
niveau
supérieur. Il sera
chef cuisinier, en particulier dans un grand hôtel rue de
l'Echiquier à Paris (Hôtel du Pavillon?), puis
propriétaire
de
l’Hôtel de la Cigogne
sur la place du Marché à Munster. Avec lui
commence la rupture avec le milieu rural
et
l’ascension sociale des Hild, parallèle
à celle des
Obrecht. Ainsi il comptait dans sa clientèle la famille
Hartmann
qui contrôlait le textile (fabrication d'indiennes) de la
vallée et il faisait
pour
elle des extras avec l'aide de son épouse.
Peut-être même a-t-il organisé la
réception offerte par les Hartmann à Guillaume II
dans leur chalet de l'Altenberg où ils avaient
déjà reçu Napoléon III 40
ans auparavant.
André Hild a pris sa
retraite
tôt, après avoir hérité de
la pharmacie de la Cigogne située en face de
son hôtel (la Familien-Chronik
le désigne comme «Rentner» [rentier]),
et il
habitera alors Colmar, au 46a Av. de la République, une maison
de maître en bordure du Champ de Mars, non loin de cet autre
logis cossu où Anna Schray a été
employée
comme cuisinière; la famille Hild conservera cette maison
pendant trois générations après lui.
Il pourra se
consacrer à son hobby, la
peinture, et il semble que ce soit lui
l’«oncle» dont
un paysage campagnard de chaumières orne encore, sur une
photographie de 1939, le salon de sa petite-nièce Jeanne
Schmitt-Krebs à Saint-Quentin. Il
avait épousé Madeleine
Obrecht, la sœur
du
boulanger d’Andolsheim, dont on rapporte que,
s’ennuyant
auprès de son peintre de mari, elle allait volontiers
bavarder
avec les clientes de la boulangerie. D'un autre
côté elle
préférait le savoir devant son chevalet que
devant
une bouteille, un penchant qui lui était venu de son
métier de bouche. De cette union est issue une
dynastie
investie
dans les professions médicales avec son fils Paul, dentiste,
son
petit-fils André,
chirurgien, son
arrière- petit-fils Jacques,
gériatre, et enfin –
provisoirement? – Nicolas,
généraliste.
Les
familles Obrecht et Hild garderont des relations
régulières qui perdureront sur trois
générations. Comme souvent, ces relations
familiales ne
sont pas exemptes de nuages. On en trouve un écho dans les Kriegserlebnisse de Jean Obrecht.
Quand celui-ci va en famille en vacances à Andolsheim,
il ne
manque pas de rendre visite à Colmar à son
beau-frère André Hild, qu’il appelle
«oncle
Hild», et de loger à l’occasion
chez lui. Il
note ainsi, en mars 1915,
qu’il s’est
promené en
ville avec lui et que la petite
Hansi a joué sur le Champ de
Mars avec son petit-cousin, né en 1912 comme elle. Le
lendemain
il pousse à pied, avec l'oncle, jusqu'à Horbourg.
Mais,
par la
suite, il note plusieurs fois qu’il a
été mal
accueilli par le couple Hild et que son beau-frère, toujours
grincheux, lui reproche en particulier d’exploiter la
parenté d’Andolsheim, alors que cette question ne
le
concerne pas. Il veut sans doute signifier à Jean que, lui
non
plus, ne désire plus l’héberger. Dans
le cadre des
relations avec sa belle-famille, Jean Obrecht note de temps
à
autre l'envoi d'une carte à son neveu par alliance Paul
Hild,
dentiste à Neuf-Brisach et mobilisé dans le
service de
santé, d'abord à la pharmacie de
l'hôpital
militaire de Breisach. Un soir de décembre 1917 il
reçoit
à Mulhouse la visite de Paul qui accompagne un transport
militaire de
malades. Le 2 novembre 1918
un télégramme de ses
parents
annoncera le décès de Paul Hild des suites de la
grippe
espagnole.
Le
petit-cousin André
Hild, qui jouait avec Hansi, se retrouve
donc
orphelin à 6 ans, sa mère étant
décédée déjà en 1916, et il sera
élevé par ses grands-parents. Il partage
ainsi le sort de sa petite-cousine, orpheline de père au
même âge. Les relations familiales continueront de
façon très lâche entre les Hild
à Colmar et
les Obrecht-Schmitt à Mulhouse. En 1935, Jeanne Schmitt
note
dans son agenda une visite de son petit-cousin. Elles cesseront lorsque
Jeanne, mariée avec Jean Krebs, ira s’installer
à
Saint-Quentin.
André qui a fait des études de
médecine à Strasbourg, puis trois ans d'internat
à
Sélestat pour se spécialiser en chirurgie, va
voir sa
carrière interrompue par la guerre.
Médecin-lieutenant au
3e spahi marocain, il est fait prisonnier avec son unité
à Sélestat et passe six mois au fameux Oflag
IV C installé dans la forteresse de
Colditz en
Saxe.
Il est libéré à condition de ne pas
prendre les
armes contre l'Allemagne et exerce brièvement à
l'hôpital Pasteur de Colmar sous les ordres d'un
médecin-chef nazi avant de passer clandestinement en zone
libre
où il est médecin des chantiers de la
jeunesse de la
Chartreuse. A l'arrivée des Alliés il s'engage
dans la 1ère
Armée Française et prend part
à la
libération de sa province qui débute avec
l'offensive du
général De Lattre en novembre 1944. On ne peut
qu'être frappé par le parallélisme de
cette
destinée alsacienne avec celle de Georges Stoll, l'autre
chirurgien de la famille du côté paternel. Le
chroniqueur
a repris contact en 2005 avec la famille
Hild en envoyant une lettre à l’adresse de
l’avenue
de la République, retrouvant ainsi André, 93 ans,
hébergé dans la maison de retraite
dirigée par son
fils Jacques. André Hild décède en 2009 dans sa 98e année.