Bouxwiller
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Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
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Les tribulations d'un Lorrain en
Alsace
Le nom de Schmitt
(ou
Schmidt), qui
désigne le forgeron, est extrêmement
répandu dans toute l’aire germanique et - par
l’émigration - dans le monde. Les Schmitt qui nous
concernent sont originaires - aussi loin qu’on puisse
remonter - du nord de la Lorraine.
Des
recherches généalogiques ont
été
effectuées, dans les années 1940, par Otto Voigt,
un
petit-fils de
notre ancêtre direct Georges
Schmitt. Le résultat de ces recherches a
été conservé par le neveu de celui-ci:
Wolf-Egbert
Voigt, pasteur retraité à Leipzig (décédé en 2014).
Il en ressort
que le
berceau des Schmitt est Mittersheim dans
l'actuel département de la Moselle. Le village se situe
à la fontière linguistique, les patronymes et
toponymes
sont germaniques, mais depuis Stanislas la langue officielle de
l'ancien duché de Lorraine est le français,
langue dans
laquelle sont rédigés les actes d'état
civil. Georges Schmitt devait maîtriser à la fois le
français, l'allemand et le dialecte, ce qui lui a permis
d'enseigner successivement en Fance, puis dans le nouveau Reichsland
d'Alsace.
C'est
donc à Mittersheim que naît, le 5 nivôse de l'an V de la République (25/12/1796), le père de Georges, Jean
Nicolas Schmit (sic),
comme fils de Jean Nicolas
(1757-1805),
journalier (qui signe en allemand "Hans Nickel") et de Odile Klein.
De confession luthérienne, il est baptisé à Finstingen/Fénétrange
où se situe le temple le plus proche à l'époque. Le protestantisme, autrefois majoritaire dans
la région, n'a
plus d'existence légale depuis la révocation de l'Edit de Nantes, ce qui
explique
l'absence de notre ascendance, avant 1792, dans le registre
paroissial tenu par le curé de Mittersheim. Jean Nicolas fils épouse assez tard, en 1839, Christine
Karcher,
originaire de Mittersheim
comme
toute sa parenté. Le mariage religieux a lieu à Fénétrange. Désigné comme
"propriétaire" sur l'acte de mariage de son fils, Jean
Nicolas
ne doit pas être dépourvu d'une certaine aisance,
peut-être acquise par son mariage. Elle permettra de financer
les études du seul enfant du couple, prénommé Georges comme un de ses oncles paternels.
Acte de naissance de Jean
Nicolas Schmit (25/12/1796)
Signatures
de Hans Nickel Schmitt, le père, de Juste Klein, officier
d'état civil, des témoins Georges Karcher,
cordonnier, et
Anne Marie Klein (croix)
Georges
Schmitt naît
le 29 avril 1845
à Mittersheim
et est encore baptisé
le 1er mai à Fénétrange bien que Mittersheim ait
désormais une église protestante inaugurée en
1806. C’est avec lui que l’ancrage
géographique de
ces Schmitt lorrains va se déplacer vers l’Alsace
au gré de ses affectations en tant qu'instituteur.
Autant la carrière
d'instituteur de J.
Obrecht a été rectiligne et sans surprise, autant
celle
de son homologue G. Schmitt aura été
mouvementée.
On est informé de son entrée dans la
carrière
pédagogique par deux lettres de candidature. Après avoir quitté
l'école primaire de Mittersheim à 14 ans, il a
fréquenté à Fénétrange,
le chef-lieu de canton, un établissement d'où il
"sort
instituteur" à tout juste 20 ans le 27 mars 1865.
Il a ainsi bénéficié d'une formation
très
spécifique géographiquement et historiquement. Il
déclare en effet avoir
fréquenté une "Musterschule", une expression traduisant très exactement le terme d'"école modèle"
qui désigne les écoles normales primaires
protestantes
ouvertes dans le cadre de la loi Guizot réorganisant
l'enseignement en 1833. Quoique rare, ce type
de formation existait sous une forme embryonnaire à
Fénétrange sous la direction de Frédéric Lix,
un instituteur protestant qui a
exercé dans cette ville de 1821 à 1860. Selon le
témoignage de Jeanne Gogelein (Du Passé de
Fénétrange)
la classe était installée dans la partie du château appartenant
à la paroisse protestante et les
élèves-instituteurs prenaient leurs repas
à
l'auberge tenue par ses arrières-grands-parents, la
"Wirtschaft
Gogelein" en face de la Porte de France. Sous la férule de
ce
maître estimé de tous et dont une stèle
perpétue le souvenir G. Schmitt a
préparé
son "brevet
de
capacité" qui lui a été délivré
à Metz et lui permet d'exercer la fonction
d'instituteur,
d'ouvrir et de diriger une école. Toutefois la copie du
diplôme, mentionnée dans les lettres de candidature, n'a
pas
été conservée.
Pour son premier poste il est
nommé le 23
avril 1865 en tant qu'instituteur-adjoint, avec un salaire de 500F/an,
à Bouxwiller
dans le Bas-Rhin, un poste qu'il quitte dès le 9 novembre 1865 pour rejoindre Wolfgantzen,
une localité rurale (311 habitants en 1905) située entre Colmar et
Neuf-Brisach, en tant qu' "instituteur libre" recruté par la
communauté
protestante du village.
Le
jeune Schmitt s'insère ainsi dans un contexte de querelles
religieuses caratéristiques de l'Alsace à
l'époque. La commune de Wolfgantzen, "bien que pauvre",
entretenait jusqu'en 1834 deux écoles confessionnelles pour
une
population constituée de 2/3 de catholiques et 1/3 de
protestants. En cette année 1834 se construit la
mairie-école où sont prévues
à l'origine
deux salles de classe. Toutefois par économie les
autorités communales, mal disposées
envers la minorité, décident de
supprimer tout subside à l'école protestante dont
les
élèves suivront l'enseignement catholique. La
mauvaise foi de la mairie apparaît quand en 1864 elle ne
lésine pas pour recruter une religieuse catholique de
Ribeauvillé pour scolariser les filles des deux confessions.
Les
"pères de famille" protestants qui estiment - quoique moins
nombreux
- payer la moitié des
impôts sont outrés
et
décident alors de réactiver l'école
évangélique à leurs frais.
Cette école privée protestante
ouvre le 1er
décembre 1865
dans
une pièce louée à cet effet à un
cultivateur. L'autorisation a été
délivrée à titre provisoire, le jeune instituteur
n'ayant pas encore l'âge légal (21 ans) pour ouvrir une
école. Il a fallu également attendre une autorisation
officielle pour ouvrir l'école aux deux sexes. Celle-ci est
délivrée par la préfecture en janvier 1866 et G.
Schmitt est alors le maître d'une unique classe mixte qui compte
en cette première année 15 garçons et 12 filles.
Une circonstance malheureuse a failli mettre un terme rapide à
l'entreprise: en février Schmitt a tiré le n° 2
à la conscription et est donc mobilisable. Le directoire de
l'église luthérienne, à Strasbourg, intervient
auprès des
autorités en proposant un subterfuge inattendu: donner au
conscrit le titre d'instituteur adjoint à l'école
communale catholique. En tant qu'instituteur public il serait alors
dispensé de service en échange d'un engagement
décennal. La dispense a finalement été
accordée sans cet artifice et malgré les
réticences de l'inspecteur d'académie.
Wolfgantzen: la mairie de la discorde
Trois écoles fonctionnent donc
parallèlement dans cette petite commune sur fond de
querelles de
clochers. Ainsi, alors que le conseil municipal décide la
construction d'une église catholique en face de la
vieille église
"simultanée", il refuse les crédits promis pour
l'édification d'une église protestante et quand
en
août 1869 un incendie détruit le local protestant
les
élèves sont contraints de se répartir
entre les
écoles des villages avoisinants. Une proposition de
l'adjoint au
maire, Michel Hemmerlé, de verser à l'instituteur
un
modeste complément de salaire de 50 F se heurte au refus du
conseil municipal, ce qui déclenche une crise politique et
provoque la démission de l'adjoint.
Les vives doléances du consistoire
luthérien
d'Andolsheim, dont dépend Wolfgantzen, finissent pourtant
par
porter leurs fruits et le 19 avril 1870 la préfecture prend
un
arrêté "communalisant" l'école
évangélique libre. Le 14 juillet 1870 G.
Schmitt est nommé instituteur
communal avec
un salaire de 700F/an qui sera porté,
conformément
à la grille indiciaire en vigueur, à 800F
(l'équivalent de 4 vaches) lorsqu'il aura
atteint 5 ans d'ancienneté en décembre. Sur cette somme
la commune apportera - de mauvais gré - 100F, le consistoire
protestant 100F, le reste étant à la charge du
département. Ce salaire est complété par une
gratification de 500F pour la tenue de l'orgue de l'église. Les
archives
départementales conservent la lettre de remerciement du
nouveau
promu. En 1872, dans un souci de rationalisation, l'école
catholique de filles est supprimée, le logement de la soeur
enseignante sera attribué à l'instituteur
protestant dont
la classe sera transférée dans les locaux de la
mairie.
On peut voir dans cette bienveillance à l'égard
des
protestants l'influence de la nouvelle administration allemande, un
"puissant bouclier" sous lequel le président du consistoire
affirme s'abriter du fanatisme catholique du maire Waechtlin.
Cette réorganisation ne
concerne plus G.
Schmitt qui a saisi entre-temps une opportunité. En juillet
1872
un des quatre enseignants de Horbourg, Johann Ortlieb, meurt en
service à 52 ans. Cet ivrogne battait les
élèves au point que certains refusaient d'aller en
classe et il était sur le point d'être poussé
à la démission lors de son décès. Son fils
le remplaçait à l'occasion et c'est lui qui sera
nommé provisoirement à Wolfgantzen sur le poste
libéré par Schmitt. Celui-ci pose en effet sa candidature au poste
vacant de Horbourg et
fait intervenir ses appuis ecclésiastiques: le
consistoire
local auprès de l'inspection et le directoire strasbourgeois
auprès de la préfecture. En effet un autre
candidat est
en lice: Jacob Herr, en poste à Sainte-Marie-aux-Mines. Ce
dernier n'a
cependant guère de chance face à la pression
exercée par le consistoire qui recommande chaudement Schmitt
en
raison des "grands et fidèles services" qu'il a rendus
à
Wolfgantzen. Comme prévu, c'est ce dernier qui est
nommé
au 17 octobre
1873
à Horbourg
(arrêté C IV. 4534) avec un appointement de 1000F/an.
Ensuite son salaire sera libellé en marks; pour 1877: 880M,
1878: 966M, 1887: 1300M. L'administration allemande
n'étant pas plus rapide que la française, il en
est
cependant encore à réclamer l'acte officiel de nomination
en mai
1876.
Georges Schmitt est donc promu dans
cette grosse
bourgade (1050 habitants en 1905) proche de Colmar. En tant qu'instituteur il a droit
à
un logement de fonction et habite au n° 17 de la Mittelgasse
(actuellement rue des Ecoles), c'est-à-dire à
l'adresse de
l'école du village. Celle-ci, baptisée depuis
"des Marronniers",
est de construction récente à cette
époque. Elle a
gardé jusqu'à nos jours un certain charme ancien
dans un
environnement qui perd peu à peu son caractère
campagnard.
Le moins qu'on puisse dire est que G.
Schmitt ne
s'est pas montré tout à fait digne de cette
promotion si
l'on en croit les rapports
d'inspection. Les archives du Haut-Rhin
conservent huit rapports
rédigés entre 1875 et 1884. Schmitt a la charge
de la
classe des grands (Oberstufe)
qui comprend entre 40 et 50 élèves,
garçons et
filles, divisés en trois niveaux. Le jugement de
l'inspecteur
est constant: la classe est bien tenue, sage et attentive, mais
l'enseignant manque singulièrement de charisme
pédagogique. Il est endormi, confus et incapable
d'entraîner sa classe. D'où ce constat
sévère:
"Si on met en regard le désir de s'instruire des enfants et
le
manque de compétence et d'énergie de
l'instituteur, force
est de regretter qu'ils ne soient pas mieux, plus parfaitement
guidés" [Wenn man bedenkt, wie lerneifrig die Kinder sind
und
wie wenig tüchtig und energisch der Lehrer ist, so muss man
beklagen dass sie nicht besser, vollkommener geführt werden].
Une inspection de juillet 1880 donne lieu à un
échange de
lettres officielles entre l'instituteur qui réfute
les
critiques et l'inspecteur qui, évidemment, les maintient. On
note au passage quelques aspects pittoresques de l'instruction
publique de l'époque. Le maître renvoie chez eux
des
élèves qu'il estime mal débarbouillés; la
puanteur des
toilettes se répand jusque dans les salles de classe et
l'inspecteur note ironiquement: "lernen? desinfizieren!".
Il s'agit là de broutilles en
comparaison d'un grave incident
qui a lieu en 1886.
Le 13 août 1886 l'inspecteur général du
département adresse à G. Schmitt une lettre de semonce
comminatoire: le préfet a pris connaissance
à son
grand mécontentement de sa "conduite totalement
déplacée" [von seinem höchst unpassenden
Benehmen].
Il fait l'objet non seulement d'un blâme disciplinaire, mais
on
va apprendre qu'il a été muté
d'office à Andolsheim. Dans le
procès-verbal d'une réunion, adressé
à la
préfecture en décembre 1886, le consistoire
d'Andolsheim
se plaint de ne pas avoir été
consulté,
contrairement à l'usage, sur la nomination de Monsieur
l'instituteur Schmidt (sic) dans la commune et déclare qu'il
aurait préféré qu'on
éloigne davantage le
délinquant du lieu du délit. On a
procédé
en fait à une permutation: un certain Hemmerlin est en effet
muté, à sa demande, d'Andolsheim à
Horbourg alors
que Schmitt fait le chemin inverse.
En quoi a consisté ce
scandale? affaire de
moeurs, affaire politique? Georges Schmitt avait une
réputation
de francophilie dans la famille. A-t-il été
dénoncé comme son collègue de Horbourg, Jacques
Will, pour avoir fait la classe en français? A défaut de
texte probant un indice peut nous mettre sur la voie: en juillet 1891
une directive préfectorale adressée au maire concernant
l'oganisation de l'année scolaire se termine par cette
recommandation: "Il est préférable d'éviter de
confier la classe supérieure des filles à l'instituteur
Schmitt" [Die Beschulung der Mädchenoberklasse durch den Lehrer
Schmitt wird besser vermieden]. Faits avérés, rumeurs?...
Depuis l'automne 1886 G. Schmitt
exerce donc
à Andolsheim. On
notera d'emblée pourtant que paradoxalement en 1901 sa signature, sans doute en tant que secrétaire,
apparaît au bas d'un document du
consistoire d'Andolsheim, de cette instance
précisément
qui s'était plainte de son arrivée au village. Le
temps
ou le zèle de notre ancêtre aura fait son oeuvre...
Pourtant G. Schmitt n'a pas été un
fonctionnaire exemplaire dans son nouveau poste. On a retrouvé
trois rapports d'inspection,
de 1887, 1888 et 1891. Sans être aussi négatifs que
précédemment ils concèdent juste que l'instituteur
est "moyen", en reconnaissant toutefois qu'il se donne de la peine dans
son nouveau emploi et qu'il s'est amélioré. A
la Noël 1889 il demande un congé de
6 semaines pour raisons de santé, visé par
l'inspecteur qui confirme qu'une infection nasale a forcé
plusieurs fois l'institeur à interrompre les cours. Le
certificat
médical joint diagnostique une formation de polypes et l'adresse
au Dr Killian, "laryngo-rhinologue" (ORL) connu, directeur de la policlinique
de Fribourg. Un
arrêté du 30 décembre lui accorde finalement le
mois de janvier.
A l'époque G. Schmitt a six enfants
et son salaire apparemment suffit à peine à subvenir aux
besoins de la famille malgré la gratuité du logement et
une prime de 120M. Dans un courrier du 1er avril 1888 à la
préfecture il sollicite une augmentation de son traitement qui
est de 1300M/an. A la suite d'un échange de lettres la commune
accepte de l'abonder de 100M pris sur les fonds disponibles à
partir du 1er avril 1889. Cette somme dépassant le tarif légal,
l'augmentation est approuvée par la préfecture, à
condition que Schmitt renonce à tout supplément qui lui
échoirait à la suite d'une mutation dans
l'intérêt du service.
Modicité du traitement, manque de vocation,
opportunité à saisir? G. Schmitt prend sa retraite anticipée au 1er septembre 1893, jour où il doit aussi libérer le logement de fonction. Il a 48 ans et 28 annuités de service.
Horbourg
Ecole des Marronniers
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Nouveau temple de Mittersheim
(1806)
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