Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
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L'Alsace et la Lorraine réunies
Salomea
Johanna Obrecht naît à
Andolsheim à 9 h du matin le 12 août 1884, soit
pratiquement 9 mois
après le mariage de ses parents, Jean Obrecht et Salomé Hild. Si pour
l’état civil elle est officiellement Johanna, on
l’appellera Jeanne dans la famille.
Sur ses portraits de petite
fille
ou d’adolescente elle affiche
un visage un peu sévère dont les lèvres minces
et les
sourcils marqués dénotent un caractère
volontaire.
Elle gardera ce caractère qui lui permettra de prendre sa
destinée en main à la mort de son mari et de
gérer
un patrimoine qu’elle saura conserver et même
augmenter en
dépit de ses modestes revenus. Elle fait sa confirmation le
26
mars 1899 à l'église Saint-Paul
à
Mulhouse sous la
direction du pasteur Jacques Orth (1828-1902), un théologien
de renom; le Nouveau-Testament reçu à
cet occasion lui attribue le verset: 1 Tim. 6, 12. Elle
hérite
en partie
de la piété sévère de sa
mère: alors
que la bataille de Mulhouse fait rage et que ses parents sont
réfugiés à la cave, elle revient,
impavide, de
l’église où elle a participé
à la
sainte cène. De son ascendance rurale il
lui restera
- un
autre aspect de sa personnalité - un fonds de sagesse
paysanne
qui lui faisait par exemple dire au spectacle de frères et
soeurs apparemment unis: "Haben sie geteilt?" [Ont-ils
déjà fait le partage?].
Des
premières années du siècle date un
souvenir
inoubliable: l'apparition soudaine du premier zeppelin croisant dans le
ciel avec une tranquille majesté.
On
peut
inférer de la situation paternelle - instituteur à l'école Koechlin - qu'elle a
fréquenté, après le cycle primaire,
l'école qui accueillait alors les filles de bonne famille
dans les murs de l'ancienne fabrique Daniel Schlumberger et Cie, Quai
du Fossé. Ce n'est qu'en 1912 que sera construite face au
Bollwerk la Höhere
Töchterschule,
l'ancêtre du
Lycée Montaigne.
Elle épouse Alfred Schmitt le 28 septembre 1909
à
Horbourg où ses beaux-parents tiennent une auberge. On a vu
que
les jeunes gens se connaissaient depuis l'enfance par les
fréquents séjours des Obrecht au village
voisin d'Andolsheim. Les détails du mariage ont
déjà été
évoqués dans les
pages consacrées à Alfred Schmitt. Curieusement,
il ne
reste
aucun
témoignage photographique de la noce. Sur un portrait
du couple, réalisé à Mulhouse, qui
doit être
contemporain du mariage, on remarque les imposantes moustaches en
accent
circonflexe du marié. Pour la famille Obrecht cette union
avec un
jeune fonctionnaire ouvre la perspective d’un pas
supplémentaire dans l’ascension sociale. Le jeune
couple s'installe d'abord à Colmar, puis - lors
de la
titularisation d’Alfred - à Strasbourg, Steinring
30 - l'actuel bd. Clemenceau - non
loin
de la caserne Manteuffel, devenue caserne Foch, puis Stirn,
siège de l'Ecole militaire depuis 1959. C'est l'adresse qui
indiquée
sur les enveloppes de lettres reçues en avril et juin 1914.
Par les Kriegserlebnisse
nous savons que Jeanne est venue dès le début de
la
guerre habiter avec sa petite fille de deux ans auprès de ses
parents
à Mulhouse.
Le logement de Strasbourg sera
conservé un
certain temps, dans l’espoir d’un rapide retour de
la paix.
Comme, au printemps 1915, la guerre semble s’être
installée pour longtemps dans les tranchées, la
décision est prise de déménager
définitivement. Le 12 mars 1915, à 10 h 37,
Jeanne prend
le rapide qui rejoint encore Strasbourg sans détour. A partir de juillet 1915, la ligne directe
étant sous le feu de l’artillerie
française, il
faudra gagner Ensisheim par le tram train pour prendre plus
à l'est la voie
parallèle vers Colmar; ce réseau sera
complété, un an plus tard, en juillet 1916, par
une
liaison ferroviaire entre Mulhouse (Île Napoléon)
et
Ensisheim. Le 24 mars, Jean Obrecht rejoint sa fille après
avoir
obtenu péniblement un congé de
déménagement; il a le temps d’observer
et de noter
dans son journal la multitude de cordonniers et tailleurs militaires
qui s’activent dans la caserne Manteuffel dans le voisinage.
Le
chargement des meubles est terminé le 25, dès 11
h,
malgré deux stations des déménageurs
au bistro, ce
qui explique sans doute le carreau qu’ils ont
cassé.
Après une halte de quatre jours à Colmar Jean et
sa fille
rentrent le
29 mars à 15 h à Mulhouse. Une partie de ces
meubles
existe encore.
La chronique de Jean Obrecht s’intéresse davantage
à sa petite-fille qu’à sa fille -
réaction
caractéristique d'un grand-père. Est-ce un effet
de
perspective du récit, mais c’est lui qui semble
s’occuper principalement de Hansi. Dans
l’éducation
de celle-ci il se charge de la part de tendresse alors que
Jeanne
assume la discipline
et la punition. La divergence
d’attitude
est
flagrante quand le grand-père serait prêt
à laisser
sa main à Hansi jusqu’à ce
qu’elle
s’endorme, alors que sa mère l’interdit.
Les deux
types de punition infligés sont l’enfermement et
les
corrections physiques. Sa mère y a
particulièrement
recours en automne 1915 lorsque Hansi, à trois ans, semble
vouloir tester l’autorité maternelle. Elle refuse
de
manger ou de prier: enfermée dans le noir. Elle pleure pour
dormir auprès de sa maman ou renverse l’eau de son
tub:
des claques. Cette sévérité a au moins
trois
explications: le caractère rigide de la maman, sa
nervosité exacerbée par sa situation, les
conceptions
éducatives de l’époque.