Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
1 > 2 > 3
> 4
> 5
> 6
> 7 > 8
> 9
> 10 > 11
> 12
> 13 > 14
N'oublions pas les boulangers
Forgerons, tonneliers,
boulangers, tisserands: c'est tout un
petit artisanat rural qui
noue des alliances familiales. On
trouve aussi des
cordonniers, tailleurs, charrons et aubergistes qui émergent
d'un substrat essentiellement agricole composé de paysans
propriétaires
(Ackerer ou Ackermann) et de journaliers (Tagelöhner ou Tagner). L'artisanat ou le commerce constituent une promotion pour
les paysans pauvres et offrent, dans un premier temps, au moins un
complément de revenus aux fils issus de ces familles nombreuses
qui à chaque génération doivent se partager des
terres exigües. Ainsi des trois fils d'Andreas Obrecht, disparu en
Espagne le 7 novembre 1810, l'aîné est
désigné comme propriétaire (il donne ses terres en location),
bourrelier et aubergiste (il tient à Andolsheim l'auberge "A l'Etoile" qui persistait en 2008 à l'enseigne de la pizzeria "A l''Etoile - La Strada");
le second est uniquement cultivateur, tandis que pour le
troisième, Sigismond, l'agriculture est un appoint à son
activité de boulanger. Cependant à partir de la deuxième moitié du XIXe
siècle l'époque offre de nouvelles possibilités de promotion
sociale et
d'émancipation hors du cadre étroit du village
natal.
Ainsi Jean Obrecht et ses frères deviennent fonctionnaires
et se
partagent entre Mulhouse, Colmar et Strasbourg. Les Hild se
spécialisent dans les professions médicales et
"émigrent" à Colmar.
Tel n'est pas le cas des
descendants du boulanger
Sigismond Obrecht (1806) qui sont restés au village et ont repris le métier de père en fils. Ils représentent
l'esprit
de fidélité aux origines et restent une
référence pour des membres depuis longtemps
partis au
loin. Deux des fils de Sigismond restent dans la boulange. Si l'un,
Jean, va s'établir boulanger-aubergiste au village voisin de
Jebsheim, Sigismond-fils reprend la boulangerie d'Andolsheim, rue des Clefs.
Après lui la tradition de ce commerce va se
perpétuer pendant trois
générations encore et seuls des
événements
tragiques viendront interrompre cette continuité. Une
photographie ancienne montre la grande bätisse de la boulangerie-épicerie
à l'enseigne "Bäckerei-Spezerei Sigismund Obrecht",
dont la
spécialité était la fabrication de
pains d'anis,
ces biscuits typiquement alsaciens. La dynastie des
propriétaires conduit, après une succession de
trois
Sigismund/Sigismond, au début du XXe siècle
à
"Sigismund Paul Obrecht
Bäcker" ("boulanger" pour le distinguer de ses
homonymes). Lors du premier conflit mondial Paul est
mobilisé
dans l'armée allemande; son passage, venant de Russie, est
signalé à Mulhouse en mars 1918. Il survit
à la
guerre contrairement à son fils René qui,
lui
aussi
mobilisé sous l'uniforme allemand comme "malgré
nous",
est tué le 20 février 1945 en Prusse
Orientale,
à
Seerappen/Ljublino,
une base aérienne (ancienne base de
zeppelins) située à une vingtaine de kilomètres
à l'ouest
de Königsberg/Kaliningrad. On ne sait où se trouve sa
sépulture, les victimes allemandes - militaires ou civiles -
ayant été enterrées hâtivement dans le sol
gelé et leurs tombes par la suite profanées et
arasées lors de l'occupation russe. Son
nom est inscrit sur la stèle du monument aux morts
d'Andolsheim et "en
souvenir de..." sur la tombe familiale de la
lignée des
boulangers.
Le
père de René, qui était
déjà
cardiaque, est profondément affecté par cette
disparition
et décède en 1948 malgré
les
soins
prodigués par son petit-neveu, le docteur André Hild, qui
depuis
Colmar lui rend visite deux fois par semaine. Andolsheim n'avait en
effet à l'époque pas de médecin et
André,
comme enfant du pays, avait pris l'habitude d'aller en soigner les
habitants. Le commerce a continué d’exister
après
la guerre à l’enseigne de la «Veuve Paul
Obrecht». D'après les renseignements
fournis par
André Hild et Christian Rebert, maire d'Andolsheim,
le
magasin avait d'abord été promis à un
employé de la famille, considéré comme
un fils
adoptif, puis mis en vente lorsque ce dernier avait quitté
l'entreprise à la suite d'une brouille. Il a alors
été repris en 1965 par un voisin direct, Alfred
Rebert,
vétérinaire de profession. Dès
l'année
suivante le nouveau propriétaire remplaçait
la
vénérable mais vétuste boulangerie, située dans
la rue
des Clefs, par un magasin moderne du genre superette
auquel il adjoignait un fournil et un entrepôt. En
l'an
2000 c'est son fils, Alain Rebert, qui a repris le commerce de
boulangerie-patisserie désormais intégré dans un
immeuble de style "néo-alsacien". La
destinée de cette lignée Obrecht,
restée au pays
a fait partie de la mémoire familiale, ce qui explique qu'une
"expatriée" comme Jeanne Krebs ait encore fait des
achats
dans cette boutique, lors de ses passages dans la commune dans les
années 1950.
La boulangerie vers 1910