Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
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C'est la guerre!
Comme indiqué, le couple habite
d’abord à Colmar (au 29 rue Saint-Léon) où
Alfred effectue son stage et où leur fille Jeanne -
«Hansi»
pour la différencier de sa
mère -
naît en 1912.
Les Vosges sont toutes proches et les dimanches
sont mis a profit pour des excursions. Une photographie,
datée
du 26 juillet 1910, montre Alfred au premier plan, appuyé
sur un
rocher. Sur une autre, peut-être contemporaine, on
reconnaît, assis sur des roches, Alfred
avec son épouse et
ses beaux-parents, ainsi que tout un groupe de dames
dont Marie-Madeleine Obrecht-Hild, belle-soeur de Jean
Obrecht. Les dames en
jupes longues arborent de vastes chapeaux à fleurs, les
messieurs, guêtres, canne, veste courte et chapeau rond
à
large bord, semblent illustrer un roman de Jules Verne.
La déclaration
de guerre
tombe comme un couperet dans cette
existence paisible. Le 1er août 1914 l’Allemagne,
par la
voix du Kaiser, décrète la mobilisation
générale, immédiatement suivie par la
France. La
machine à broyer les hommes s’est mise en route et
le
destin d’Alfred Schmitt, homme de bonne volonté,
est
désormais scellé. On peut suivre son calvaire
grâce aux cartes postales et aux photos envoyées
du front.
Une source importante d’informations est
constituée par
les Kriegserlebnisse de son beau-père Jean Obrecht. On
y
trouve, noté en marge, le courrier envoyé ou
reçu,
ainsi que les paquets expédiés à
«Fred» avec leur contenu. A travers ces lignes,
généralement impersonnelles et succinctes, on
peut -
sinon deviner des états d’âmes - du
moins
reconstituer un parcours. Enfin pour les deux premières
années du conflit on dispose d'un document historique: les souvenirs de guerre des camarades de régiment d'Alfred,
rassemblés en 1936 par le commandant P. Müller (Geschichte des Reserve-Infanterie-Regiments Nr. 99)
Le sous-officier
Schmitt
est en effet incorporé au
14e
corps d’armée de réserve, 30e division, 60e
brigade, 99e
régiment d’infanterie de réserve, 4e
bataillon, 14e compagnie. Il s'agit d'une unité
composée
de
réservistes et même - pour les plus
âgés - de
territoriaux, originaires principalement du grand-duché de
Bade.
Ce corps, dont le quartier général est à Karlsruhe, est placé sous
le commandement du général von Hoyningen-Huene qui sera
remplacé - sanction pour la difficile reconquête de
Mulhouse? - par le général Hans Gaede dès le 31
août 1914. En principe,
l’armée de réserve était
affectée
à des tâches d‘appoint, non
combattantes, mais en
raison des enjeux, tant en Allemagne qu’en France, cette
distinction ne tient plus en 1914. Lors de la mobilisation la mission
de la 30e division dont le régiment d'Alfred est une composante,
était de défendre la place-forte de Strasbourg. Le
régiment sera en fait
engagé dès le début des
hostilités sur le
front Ouest. Plus tard, lors de son transfert vers le front russe en 1915,
Alfred sera versé dans une autre unité avec
laquelle il reviendra, fin 1917,
sur le front occidental.
Alors que
la bataille
pour la maîtrise de
Mulhouse vient de se terminer
par
une victoire allemande, les Kriegserlebnisse
signalent une
première carte postale, arrivée le 12
août 1914 au
domicile de la famille Obrecht, 15 rue de Strasbourg à
Mulhouse,
où Jeanne
est venue se réfugier chez ses parents avec sa fillette
dès le début des hostilités. Comme
toutes celles
que le hasard a conservées par ailleurs, cette carte -
perdue -
est certainement écrite au crayon, en caractères
«gothiques» minuscules qui rendent le
déchiffrement
particulièrement difficile, et a dû être
adressée à "Frau
Regierungs-Sekretär A.
Schmitt". A ce moment, le bataillon d’Alfred est encore en
Alsace, à Molsheim,
comme Jean Obrecht l’apprend
d’un camarade de son gendre rencontré en ville.
Effectivement, une carte envoyée depuis cette
localité,
en date du 15 août, arrive à destination le 1er
septembre.
Que s'est-il passé sur le front des opérations?
Dès le 2 août le 99e
a été mobilisé,
avec les autres unités de réserve, sur la place de
l'Esplanade à Strasbourg dans une atmosphère
d'effervescence sereine. Pas d'enthousiasme débridé: la
plupart des hommes rassemblés sont des pères de famille.
Le régiment compte, entre autres, environ un millier d'Alsaciens
dont les pères pour certains ont combattu du côté
français en 1870. Le 4e bataillon est placé sous les ordres du commandant Max von
Rettberg, la 14e compagnie est commandée par le capitaine
Hofrichter: ce sont les supérieurs directs d'Alfred Schmitt. Le 6 août le régiment est transporté
par train en direction des Vosges où les Français
menacent de déferler en Alsace par le col de Saales et la vallée de la Bruche.
Le bataillon d'Alfred, le 4e, reste provisoirement en réserve
à Saverne tandis que le reste du régiment se porte
au-devant des Français et franchit la frontière à
Saales le 10 août. Les Allemands, pris sous le feu des batteries
de Provenchères, doivent cependant rapidement décrocher
et se replient à la faveur de la nuit sur Diespach en deçà de la frontière.
Le régiment s'est retranché sur les hauteurs de Diespach,
mais cette position n'est qu'apparemment avantageuse, car elle est
elle-même dominée par des crêtes boisées. La
13e et la 14e compagnie (celle d'Alfred), restées en retrait,
viennent renforcer les forces qui se préparent à la
bataille. Le 14 août au matin 24 batteries françaises, supérieures en portée et en nombre,
bombardent les positions allemandes. Pour Alfred c'est le baptême du feu. Dès
l'après-midi les Allemands, menacés d'encerclement, amorcent une retraite qui prend des
allures de fuite dans la nuit. Ils ont perdu leur premier drapeau
et ne se regroupent qu'au matin à Molsheim pour se mettre
à l'abri dans la forteresse Kaiser Wilhelm II de Mutzig.
Entre le 16 et le 19 août le régiment mène une
contre-offensive pour barrer le chemin de la plaine aux forces
françaises. Le 16 août le 4e bataillon s'avance dans
la vallée de la Bruche jusque Muhlbach, puis reçoit
l'ordre d'occuper les hauteurs de Fréconrupt
au-dessus de Schirmeck. Le bataillon d'Alfred prend la position
d'assaut et s'y retranche, mais ne peut tenir sous le feu des
batteries qui tirent depuis le Donon. Une nouvelle tentative est
menée le lendemain, lorsque - soudain - les Français
rompent le combat et se retirent. Ils ont été
appelés d'urgence pour protéger le flanc droit de
l'armée qui vient d'être sévèrement
défaite en Lorraine. Le 24 août les Allemands, venant de Schirmeck,
réoccupent Saales. Le lendemain la frontière est franchie et le 99e poursuit sa marche en avant en un territoire
étranger qu'il ne quittera plus avant l'Armistice.