Les
Obrecht / Les
Hild / Les
Schmitt /
Les Obrecht-Schmitt
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Le jour où tout a basculé
Alfred Schmitt
meurt «en
héros» le 12
juillet 1918.
Ce jour là,
un vendredi,
Jean Obrecht note dans son journal, comme il en a l’habitude,
le
temps qu’il fait: «sonnig und windig»
[ensoleillé et venteux], ainsi que le maigre menu du
déjeuner: «Hafermehlsuppe, Kohlrabi und
Kartoffeln» [soupe de flocons d’avoine,
chou-rave,
pommes de terre]. En Picardie le temps a été ce
jour-là frais et pluvieux. Sur le plan international, on apprend
qu’Haïti a déclaré la guerre
à
l’Allemagne. La nouvelle du décès ne
parvient
à la famille que le 24 juillet lorsque
l’ordonnance
d’Alfred sonne à la porte, à 21h 45,
pour annoncer
la tragédie. Le choc est d'autant plus brutal que la
conviction
s'était peu à peu ancrée dans les
esprits
qu'Alfred jouissait d'une protection divine particulière, en
réponse aux prières journellement
adressées pour
sa sauvegarde.
Sur
la mort on a deux sortes de témoignages: l’aspect
officiel et l’aspect familial.
Officiellement,
le 28 juillet, arrive une lettre de condoléances
du commandant Hoffmann,
«Regiments-Kommandeur», qui se
trompe d’ailleurs d’un jour sur la date du
décès. Son discours est à la fois
élogieux
et impersonnel: «Das Regiment verliert einen
vorzüglichen
Offizier, der in jeder Beziehung vorbildlich wirkte und dessen
Tapferkeit in allen Kämpfen unübertrefflich war. Ganz
besonders hat er sich bei den letzten Kämpfen im Juni
ausgezeichnet; hierfür, sowie in Anerkennung seiner grossen
früheren Verdienste erhielt er das E[iserne] K[reuz] I.
Klasse» [Le régiment perd un excellent officier
qui
s’est conduit de façon exemplaire en toutes
circonstances
et dont la vaillance dans tous les combats a été
inégalable. Il s’est tout
particulièrement
distingué lors des derniers combats en juin; pour cette
raison,
ainsi qu’en reconnaissance de ses grands mérites
précédents, il a reçu la croix de fer
de
1ère classe].
Le 29 juillet, le corps des officiers du
44e
fait
paraître une annonce
nécrologique dans le Mülhauser
Tagblatt, en
souvenir de celui qui a été «un chef
d’un
courage exemplaire et un camarade toujours prêt à
rendre
service» [ein vorbildlich tapferer Führer und ein
stets
hilfsbereiter Kamerad]. On apprend à cette occasion
qu’il
était officier chargé des mortiers
(«Minenwerferoffizier») au 3e bataillon et
qu’il
était déjà titulaire de la croix de
fer de 2e
classe. Le 11 septembre 1918 parvient encore, sur une simple demi-feuille de cahier, une attestation du capitaine commandant le
bataillon: «Leutnant d. Ldw. [der Landwehr] Alfred Schmitt
III.
Batl. [Bataillon] Infanterie Regiment Graf Dönhoff (7. Ostpr.)
[7.
Ostpreussisches] Nr. 44 ist am 12. Juli 1918 durch Artl. [Artillerie]
Sprengstück gefallen» [Le sous-lieutenant de
l’infanterie Alfred Schmitt.... a été
tué
par un éclat d’obus]. L’acte de
décès
de l’état-civil indique curieusement comme
profession du
père, non pas aubergiste, mais instituteur en retraite,
comme si
cette profession, plus honorable, convenait mieux en ces circonstances.
En
ce qui
concerne la famille,
Jean Obrecht note dans son style un peu guindé
d’instituteur: «La nouvelle nous remplit de
tristesse et de
douleur et un fleuve de larmes coula de nos yeux» [Die
Mitteilung
erfüllte uns mit Wehmut und Herzeleid und ein Strom von
Tränen entquoll den Augen]. La consolation, la famille la
trouvera
dans un stoïcisme chrétien: «Nous nous
plions
à la décision de Dieu et nous nous soumettons
humblement
à sa sainte volonté» [Wir
fügen uns dem
Ratschluss Gottes und ergeben uns demütig seinem heiligen
Willen].
L’ordonnance précise les circonstances de la mort:
Alfred
revenait en bicyclette à Montdidier, après une
inspection de la position des mortiers, quand un obus a
éclaté sur la route. Un éclat
l’a atteint
dans le dos et l’a traversé de part en part, le
tuant sur
le coup. Il a été enterré avec les
honneurs au
cimetière militaire de Laboissière-en-Santerre.
La petite
Hansi
dormait déjà à cette heure tardive et
on ne lui
apprend la nouvelle que le lendemain matin. «Elle ne cessait
de
crier: je veux voir mon papa!» [Sie schrie immer, ich will
den
Papi sehen].
Une carte-photo permet de localiser exactement l'emplacement de cette
inhumation provisoire. Elle montre le parc d'un château
transformé en cimetière. Une marque à l'encre
signale une tombe et une main inconnue a écrit au dos: "La
Boissière bei Montdidier - erste Ruhestätte Freds"
[Première sépulture de Fred]. Il a été
possible d'identifier ce lieu comme le parc du domaine de la Comtesse
à Laboissière. Pendant la Grande Guerre les Allemands
avaient installé un hôpital militaire dans ce
château en briques datant du XVe siècle.
cimetière
allemand de Laboissière
Vue actuelle (2012) du domaine de la Comtesse