ancetre1.htmllesobrecht1.htmlindex.html  




 













 

 

 


Les Obrecht / Les Hild / Les Schmitt / Les Obrecht-Schmitt

1 > 2 > 3> 4 > 5 > 6 > 7 > 8 > 9 > 10 > 11 > 12 > 13 > 14 > 15 > 16 > 17


Un Noël dans les tranchées

C’est tout, et c’est peu, pour l’année 1915. On ne sait pas où se trouve Alfred au soir de Noël. A Mulhouse sa famille, qu’il n’a pas revue depuis un an et demi, allume les bougies du sapin sur fond de grondement continu du canon qui tonne dans les Vosges et fait trembler les vitres. On peut deviner ses sentiments, perdu quelque part dans les plaines enneigées des confins russo-polonais alors qu'il "fête" ses trente ans, loin des siens, le Jour de l'An. Jean Obrecht dans son journal ne confie rien de ses propres sentiments et de ceux de sa famille, il note simplement que Hansi ouvre de grands yeux étonnés devant les lumières du sapin.

Sur le front russe - hiver 1915-16

    Pour l’année 1916, en revanche, le hasard a fait que nous sommes mieux renseignés par une série de documents de différents types - lettres, cartes et photographies - la plupart rassemblés dans un album, sans souci de chronologie, par Jeanne Schmitt après le décès de son mari. 

       Fin janvier, Alfred annonce qu’il a obtenu, enfin, une première permission, mais il manque encore le permis de séjour du commandant de la région militaire, Generaloberst Gaede. Malgré une lettre de Jean Obrecht au général, les choses traînent en longueur en raison de la lourdeur d’une administration tatillonne. Il faut aussi demander les autorisations de voyage pour la visite prévue avec Alfred chez ses parents à Horbourg. Entre-temps on a un autre exemple du caractère inquisitorial de l’administration prussienne: les parents Obrecht reçoivent la visite du commissaire d’arrondissement qui s’enquiert des moyens de subsistance de la famille et de ses origines "germaniques". Ils supposent que cette enquête est un préliminaire à la promotion d’Alfred comme officier. Une carte du 28 février 1916 a encore le temps d’arriver avant son expéditeur: pour sa petite fille son père a minutieusement dessiné au crayon le nom de «Hansi» avec des rameaux tressés. Enfin, un télégramme du 7 mars, expédié de Leipzig, annonce l’arrivée d’Alfred pour le lendemain, jour où il arrive en effet, mais à minuit alors qu’on ne l’attendait plus.

       Cette permission se déroule comme les suivantes. Il faut d’abord s’annoncer à la Kommandantur où le permissionnaire se rend le 9 mars avec son beau-père. Pour celui-ci, c’est l’occasion de boire un verre dans un de ces lieux qu’il évite d’ordinaire, au café Dürrenbach. Puis ce sont deux courts séjours avec Jeanne et Hansi à Horbourg chez les parents Schmitt. Le 22 mars, à 6 h 46, c’est déjà le départ après deux semaines de vie «normale». Hansi demande: «Wo ist denn der Papi?» [Où est donc papa?].

       Le fil n’est pas rompu, il subsiste par le souvenir puisque quelques jours plus tard, au cours d’une promenade au jardin zoologique, Hansi cueille un bouquet pour son «Papi». Puis, le 2 avril, pour Pâques, elle signe de son nom, avec la maladresse d’une petite fille de 4 ans, une carte qu’elle lui destine. La réponse du père, pour la même occasion pascale, est une feuille méticuleusement décorée au crayon de fleurettes rouges et noires qui encadrent une invocation au Seigneur: «O Herr hilf...». Apparemment, le secteur est calme et les longues heures d’inaction sont aussi à l’origine d’une feuille du même style, dessinée le 16 avril et agrémentée de quelques vers pour l’anniversaire de Hansi. C’est durant cette période, toujours en avril, que pour la première fois deux colis de livres sont envoyés au front, qui seront suivis d'un troisième en juillet. Le 4 juin, Alfred adresse encore à «Fräulein Hansi Schmitt» une carte-photo qui le représente en tenue de campagne dans un fortin fait de troncs de bouleaux, un environnement que l’on retrouvera sur toutes les photographies prises sur le front de l’Est.