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Les ancêtres / A l’aube du souvenir
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Ces problèmes
d’argent seront
provisoirement relégués à
l’arrière-plan par la déclaration de
guerre. Le 30
août 1939 Paul télégraphie à
ses parents
qu’il est mobilisé à Sens. Il parvient
toutefois
à se faire affecter à Troyes où il
retrouve Marilou
(Marie-Louise
Contant) qui intervient pour la première fois
dans
une lettre «à deux voix» («Je
suis assise sur
les genoux de Poli... »). Dans cette lettre du 18
novembre
à sa soeur Xénia, Paul explique qu’il
va devoir
quitter la «bonne planque» qu’il avait
ici. Il va
prendre, encore une fois, son service de nuit de 18 h à 6 h
et
annonce pour le lendemain un match opposant une formation de militaires
et ex-professionnels à une équipe
d’amateurs. Une
photographie de ce mois de novembre le montre en uniforme avec Marilou
et quelques copains habillés en «zazous»,
costumes à carreaux et pantalons larges, devant une voiture
de
luxe. Il bénéficiera en mars 1940, durant la
«drôle de guerre», d’une
permission de dix
jours pour épouser son amie, alors enceinte de trois mois de
leur fille Michèle.
Comme pour ses parents et son
frère
Jean, le mariage a lieu à Mulhouse, à
l’église Saint-Paul, le dimanche de
Pâques, sous
l’égide du pasteur Koehnlein. Selon un certificat
établi par la commune après la guerre, son
domicile
officiel est dorénavant - depuis le 16 mars 1940 -
Saint-Julien-les-Villas, d’où est originaire son
épouse. C'est dans cette commune qu'il achètera en 1961,
place de l'Hôtel de ville, une vaste maison vétuste que
son père, sollicité pour le financement des travaux,
qualifiera de "baraque en ruines".
La vraie
guerre commence peu après avec la Campagne de France.
Une
lettre
du 9 juin 1940,
exceptionnellement détaillée,
relate pour
la «chère petite Xénia» la
participation de
Paul aux dramatiques événements. Il
écrit
d’une position à une centaine de
kilomètres de
Paris, près de l’Eure, où il attend une
reformation
de sa «malheureuse division» (la 15e), une des plus
éprouvées puisqu’elle ne compte plus
que 1.000
présents sur 18.000. Il s'agit de la 15e divison
d'infanterie
motorisée, commandée par le
général Juin.
Sa propre compagnie n’a
heureusement
essuyé que peu de pertes: "16 gars manquent".
Conformément aux plans de l'état-major ils étaient
entrés en
Belgique le 11 mai pour se porter au devant de l'ennemi, mais avaient
bientôt dû battre
en
retraite par Namur, Charleroi, Valenciennes, Orchies, Bailleul,
Poperinge, Hondschoote, Bray-Dunes, Malo et Dunkerque.
Appartenant au
Génie, sa compagnie avait pour mission de faire sauter les
ponts
après le passage des troupes et avait
été une des
dernières à embarquer, début juin,
sous le feu des
pièces de 77 et 150. Leur navire
s’échoue - par
bonheur de nuit - à 2 kms du port sur un banc de sable. Au
petit
jour un bateau anglais les prend en charge et les débarque
à 5 h du matin à Ramsgate. De là on
les conduit
par train dans un camp près de Southampton, où
les
Français sont très bien reçus, mais
d’où ils rembarquent pour Cherbourg au bout de
trois
jours. Le voici donc de retour «dans notre pauvre
France»,
attendant la suite des événements. Paul donne
encore son
adresse: 10e [régt. du] Génie, 2e cie,
1ère
escouade, sect.
post.
150. Il ne recevra certainement plus de courrier à
cette
adresse puisque l’armistice est signé peu
après, le
22 juin 1940. On ne sait dans quelles conditions il sera
démobilisé. Il est possible qu'il ait
été blessé, car une photo le montre la tête
entourée d'un bandage.
La guerre
sera pour lui aussi un tournant décisif. D’une
part, il
entre dans la clandestinité et participe activement
à la Résistance,
comme beaucoup d’autres autant sans
doute par
esprit d’aventure que par patriotisme. Une coupure de presse
du
25 novembre 1947 nous apprend que
«‘Poli’, joueur
amateur à Bréviandes [commune jouxtant
St-Julien-les-Villas], un des plus dynamiques
membres des
Commandos M » a reçu la
médaille de la
Résistance avec une citation signée Charles de
Gaulle.
Ces commandos s’étaient organisés dans
l’Aube
à partir d’août 1942 sous
l’impulsion
d’officiers anglais. D’autre part, il noue de
nombreux
contacts qui lui permettront, dans la période de
pénurie
de l’après-guerre, de se lancer dans le commerce
de bonneterie
en gros, ce qui correspond à sa formation. Il
reste
de cette période une carte professionnelle «Krebs
et
Jacquelin, 77 rue de Preize à Troyes». Cette
période de prospérité sera toutefois
de courte
durée, la vie aventureuse de la clandestinité
ayant
renforcé l’instabilité
caractérielle de
Paul et ses «amis» de la Résistance
étant de
ceux que le premier coup de vent emporte.
Trois
garçons donc aux destinées bien
différentes, mais
tous trois dotés d’une forte
personnalité. On
percevra bien plus tard comme un lointain écho encore de
cette
existence d’avant-guerre, active mais somme toute assez
insouciante, des frères Krebs. Dans un refuge du Club
Vosgien
c’est un excursionniste qui se souvient de Jean,
rencontré dans ses activités sportives;
à la
Bibliothèque universitaire de Strasbourg, c’est
l’un
des bibliothécaires qui a gardé un vif souvenir
de Robert
étudiant ; à Lille c’est un technicien
de
l’ORTF qui au nom de Krebs se remémore les
exploits
footballistiques de Paul...
Mais une
sœur est née, qui ne leur
cède en rien
quant
à la force de la personnalité….