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lac de Lucelle












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Les ancêtres / A l’aube du souvenir / Les Schray et Stoll / Hans et Anna /
Jean et les autres
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Jean, le premier, va devant

Jean Krebs, né à Mulhouse à 23 h 45 le samedi 25 juin 1910, «au temps des Allemands», est baptisé Hans Eduard Emil. Eduard peut-être en l’honneur de son oncle Eduard Stoll. Ces prénoms seront francisés automatiquement par l’état civil après la Victoire. Pour sa famille il est simplement «Hansi», le diminutif - très alsacien - de Hans. De nationalité suisse par filiation, il n’a pas demandé la naturalisation française, à la différence de ses frères et de sa soeur, ce qui lui évitera le service militaire et la mobilisation de 1939. Plus qu’un calcul, les circonstances et une certaine indifférence à la politique, nationale ou partisane, semblent avoir déterminé ce choix.

    La naissance a encore lieu dans la modeste maison de la rue du Colombier. Le baptême n’est célébré, à l’église Saint-Paul, que le 18 septembre suivant, une fois effectué le déménagement - le 1er septembre - pour le Faubourg de Colmar. Cela traduit sans doute la volonté d’inaugurer par un événement joyeux une nouvelle existence dans le nouveau domicile et de conjurer les mauvais souvenirs attachés au précédent. Le manque de temps peut aussi expliquer ce délai, qui toutefois n’est pas exceptionnel en milieu protestant.

    En se penchant sur le berceau du nouveau-né les fées lui ont donné en partage l’intelligence et la sensibilité pudique, caractéristiques du côté paternel – sans les tendances neurasthéniques. Du côté maternel il hérite de l’optimisme actif d’Anna – sans son solide sens de l’économie. A la différence de ses parents, brimés par leurs difficiles débuts dans l’existence, il bénéficie d’un entourage familial qui lui permettra d’épanouir entièrement ses dons.

    A l’âge d’un an le bébé joufflu en chemisette est photographié, comme plus tard ses frères et sa soeur, sur la traditionnelle peau d’ours.

    On a peu de documents photographiques ou autres permettant de reconstituer son adolescence. Celle-ci coïncide avec la période où ses parents sont accaparés par la maladie de sa soeur et les exigences d’un métier harassant. Ils prendront quand même la peine de lui acheter un violon d’enfant et de lui faire donner quelques leçons avant de constater que le jeune garçon n’était vraiment pas doué pour la musique; l’instrument, qui affiche pompeusement «Stradivarius fecit», existe encore. Jean préfère d’autres façons de dépenser son trop-plein d’énergie. D’après tous les témoignages, il est mis très jeune à contribution pour la marche de la laiterie, et il prend dès lors des habitudes d’hyperactivité et de serviabilité qui ne se démentiront plus, jusqu‘à faire de lui un véritable «workaholic». Il ne semble accéder qu’à la fin de l’adolescence à une vie autonome grâce à ses activités sportives.

    D’après une carte postale, il passe en 1920 des vacances chez son oncle paternel Gottfried à Metzerlen au sud de Bâle. Il écrit à ses parents une carte dans un assez bon allemand, sa mère étant plus à l'aise dans cette langue qu'en français. Il les rassure sur son sort: «J’ai assez à manger» [Ich habe genug zu essen]; il leur explique que, pour passer le temps, il s’essaie à marcher sur les mains. Par la suite, c’est à Lucelle, à la limite du Jura bernois, qu’on l’enverra en colonie de vacances, dans ce Sundgau qui est le poumon vert de la métropole industrielle. Du côté suisse de la frontière se trouve le village de Pleigne où son père a été stationné en 1914. Il reste de ces séjours de nombreuses photographies de groupe où il est difficile de le distinguer des autres gamins en culottes courtes et béret sur ces petits formats de mauvaise qualité. Ce n'est qu'avec la fin de l'adolescence qu'on peut le reconnaître, quand ses traits s'affirment et que l'objectif se concentre sur lui et quelques camarades, garçons et filles. Une photographie de juillet 1921 montrant une cinquantaine de garçons, dont Jean et son frère Robert habillés en orphéonistes, rappelle que la Fédération protestante de Mulhouse organisait aussi des sorties pour les jeunes.

    Par sa scolarité allemande jusqu’à l’âge de huit ans (1918), il a acquis une bonne connaissance de l’allemand, entretenue par ses voyages professionnels, même si la grammaire - comme souvent chez les Alsaciens - était parfois incertaine. Durant l’Occupation ses connaissances lui ont permis à Saint-Quentin de servir d’intermédiaire avec les autorités allemandes; ainsi quand celles-ci saisiront en Belgique deux wagons de fil appartenant à l’entreprise Vandendriessche; ainsi encore ce curieux papier de la «Ortskommandantur» du 14 août 1940 l’autorisant à prélever, sur une voiture brûlée près de la gare, les pièces nécessaires à la réparation de son propre véhicule. Il nouera des contacts avec un certain Richard Gollee, originaire de Silésie, un de ces «colons» installés en France sur de riches terres réquisitionnées. Ces rapports avec l’occupant lui ont valu, à la Libération, un internement de quelques semaines à la maison d'arrêt de Laon. L’ordinaire y était complété par les familles de ses co-détenus, des paysans cossus accusés de marché noir…mais contre les puces il n’y avait pas de remède!

                                             

Signé Jean Krebs!