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Les ancêtres / A l’aube du souvenir / Les Schray et Stoll / Hans et Anna /
Jean et les autres
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Le retour au foyer

Puis, quelque chose fait qu’elle abandonne son emploi, sans qu’on puisse savoir ce qui s’est passé. Peut-être une dispute avec la hiérarchie ou même simplement avec des collègues. Xénia était de nature instable et d’un caractère souvent difficile; par ailleurs une tendance incontrôlée au bavardage lui laissait parfois échapper des mots blessants, en dépit de sa nature foncièrement généreuse. Un physionomiste aurait dit qu’elle avait le caractère de son nez, qu’elle avait  busqué «à la Krebs», une forme peu compatible avec un idéal de douceur féminine. Son père a souffert de ses acrimonies, son journal en garde des traces. Toujours est-il que c’est sur un coup de tête et dans un état de crise qu’elle se rend, au printemps 1944, à Toulouse auprès de son frère Robert. Elle écrit certes à ses parents: «On est très bien ici en attendant la fin de cette affreuse guerre», mais ce n’est pas du tout l’avis de son frère qui a essayé en vain de la dissuader de le rejoindre. Les lettres que celui-ci adresse à ses parents ont un tout autre ton: il se plaint amèrement de la nervosité et de l’agressivité de sa soeur, sans compter la gêne qu’elle cause dans un logement exigu. Cette intrusion dans son intimité de vieux garçon méticuleux ne pouvait qu’être mal vécue. Jean, mis au courant de la situation par les parents, juge à ce propos dans une lettre qu’il leur adresse en août 1944 (ouverte et barrée d’une large hachure bleue par la censure militaire): «Il faut bien que les deux autres prennent patience et se supportent jusqu’à ce que tout soit fini» [Die zwei anderen müssen sich halt gedulden und vertragen bis halt alles zu Ende ist»].

    Xénia annonce certes, le 2 avril 1944, qu’elle a «trouvé un emploi dans une radiologie», mais elle évoque aussi le projet de «travailler dans un préventorium en plein bled» et se plaint de son inactivité forcée. Il semble donc qu’elle n’ait plus trouvé d’emploi stable. Si on en croit une carte du syndicat des agents hospitaliers de Troyes, elle a travaillé dans cette ville en novembre et décembre 1944. Cela signifie qu’elle avait quitté Toulouse et son frère Robert pour chercher refuge auprès de son frère Paul avant de rentrer à Mulhouse.

    Avec son retour à Mulhouse, attesté en août 1945, c’est la césure de la guerre qui se referme, mais non sans que son existence soit durablement déstabilisée. Elle ne trouvera pas sa place entre sa dépendance physique et financière et ses rêves d’indépendance, entre sa vive intelligence et les nécessaires compromis de la vie en société. D’une façon générale, elle avait gardé quelque part une âme d’enfant et, manquant de sens pratique, elle avait plutôt tendance à rêver sa vie.

 

Devant la traction "familiale": Robert, Paul, Xénia, Jean et leur père

le dimanche 22 avril 1946