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Infirmière en temps de guerre
Pourtant,
à l’origine, la qualification de Xénia
est
reconnue. Elle est d’abord employée pendant une
période indéterminée à
l’hôpital du Hasenrain
à Mulhouse. En
août
1939
- elle a alors une carte de membre de la Croix-Rouge
Française (UFF) - elle est au Diaconat de cette
même
ville, au service de radiologie qui semble avoir
été sa
spécialité. Cette maison de soins,
fondée par Mme
Nicolas Koechlin en 1852, avait inauguré en 1905 un des
premiers
services de ce genre en France. Entre-temps, peut-être
déjà dans la perspective d’une
titularisation, elle
avait acquis la nationalité française. La demande
avait
été faite dès le 16 octobre 1936, en
arguant
entre autres du fait que deux de ses frères avaient
déjà été
naturalisés, dont
l’un - Robert - avait fait son service militaire comme
sous-lieutenant de réserve, et l’autre - Paul -
était sous les drapeaux. L’affaire
traînant en longueur, on
avait dû faire intervenir Édouard Fuchs (1996-1992),
député du Haut-Rhin, qui enfin transmet le
décret
du Ministère de la Justice du 2 mars 1939 accordant la
naturalisation. Le décret, cosigné par Albert
Lebrun,
Président de la République, et Marchandeau, Garde
des
Sceaux, est publié au J.O. du 12 mars. Xénia y
figure
entre deux Italiens.
La guerre, pour
elle aussi, marque une césure dans une existence
qui semblait s’organiser. La mention
d’«infirmière
bénévole», dans la
réponse officielle à sa demande de
titularisation, permet
d’inférer que Xénia s’est
mise volontairement
à la disposition de l’armée. Ses
motivations ont pu
être diverses: idéalisme patriotique,
désir de
s’éloigner du foyer parental, espoir
d’une
intégration dans la fonction publique, sympathie pour
l’armée telle qu’on la trouve chez son
père
et son frère Robert. Ces motivations ne s’excluent
pas et
ont pu se conjuguer.
En octobre 1939
on la trouve infirmière aux armées
à Remiremont
comme l’indique encore le tampon de
la poste
civile qui traduit en clair son adresse militaire cryptée:
HOE 1
n°8 SP 310 (HOE = hôpital origine
d’étape ou
encore: hôpital d’évacuation). Une carte
de
circulation temporaire, valable du 11 novembre 1939 au 11 novembre
1940, l’autorise à se déplacer par voie
ferrée ou par car dans le périmètre
Remiremont-Belfort-Thann et Mulhouse. Peu occupée, elle
tricote
des chaussettes pour son frère Robert: «Nous
faisons de
belles promenades, mais nos pensées vont vers le Nord
où
on se bat». En mai 1940, avec le déclenchement de
l’offensive allemande, le secret de la Poste aux
armées
est mieux gardé et son adresse reste sibylline: AME 78 SP
92,
puis 13458. Peut-être est-ce Le Thillot où son
frère Jean lui écrit le 21 mai, chez une Mme
Galmiche, rue de la Gare, depuis Bagnoles-sur-Orne
où il a été
évacué avec
l’usine Vandendriessche ("Nous voilà foutu le
camp...")
En
août 1940,
après l’armistice donc,
Xénia
est à l’hôpital
complémentaire
(c.-à-d. dépendant du Service de santé
de
l’armée) Jeanne d’Arc de Villeurbanne.
Deux photographies
de septembre 1940 la présentent en uniforme
d’infirmière entre deux malades noirs et avec un
patient
le bras en écharpe. Certainement a-t-elle
décidé
de ne pas retourner en Alsace annexée,
préférant
continuer son activité au service d’un pays et
d’une
armée qui continuent d’exister virtuellement.
Ensuite, de
novembre 1940 à septembre 1943, elle est
employée à l’hôpital
complémentaire du
Valentin à Bourg-lès-Valence,
avec un
intermède en
juillet-août 1941
pour un stage au service de radiologie de
l’hôpital militaire Desgenettes à Lyon.
D’après son témoignage, la grande
affaire à
l’époque est de trouver autre chose à
manger que
l’ordinaire des haricots charançonnés.
Une carte de
coupons de 1942, donnant droit à des articles textiles,
garde le
souvenir de cette période de pénurie. Elle
entretient une
correspondance active avec collègues et anciens patients
durant
toute cette époque.