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Deux
nouvelles familles
Six
mois
après sa démission de la police, Hans Krebs
épouse
Anna Sophie Schray le 9 janvier 1909
à Mulhouse; la cérémonie
religieuse a lieu à
l’église Saint-Paul en
présence du pasteur Winnecke qui, d’origine
allemande,
sera contraint de quitter l’Alsace en 1918. Dès le
10
février, il fait immatriculer son mariage en Suisse par un Heimatschein qui confirme la
citoyenneté
d’Oppligen des deux époux.
Comment
l’avait-il rencontrée? Le mariage a-t-il
été
«arrangé» dans
l’intérêt des
deux parties? Née en 1881, elle avait 6 ans de plus que lui
et
approchait dangereusement de la trentaine; sa profession de domestique
et cuisinière ne lui offrait guère de
perspectives. Quant
à lui, il a pu chercher un appui auprès
d’une
épouse dont le caractère
énergique
compensait ses
propres tendances dépressives. Ce qui les a
peut-être
aussi rapprochés, c’est que tous deux
étaient issus
d’une famille recomposée.
Ce
mariage a dû exacerber les conflits familiaux. Hans partage
en
effet un logement exigu, maison et commerce, avec son
beau-père, le second mari de sa mère.
Il a repris en main l’exploitation familiale de la Taubenstrasse (rue du Colombier) et, à
présent stabilisé dans la vie, il est normal
qu’il
cherche à se créer un foyer
indépendant.
D’un tempérament conciliant, il a certainement
arrondi les
angles, mais son épouse n’était pas
d’un
caractère à laisser cette situation se prolonger.
On peut
supposer qu’elle a tôt fait comprendre à
K.
J. Fuchs
qu’il était de trop au domicile familial.
D’autant
plus qu’elle est bientôt enceinte de son premier
enfant, Jean,
qui naît le 25 juin 1910.
C’est
vers cette époque, sans qu’on puisse
préciser la date, qu’a lieu la
séparation d’avec le beau-père. Pour
mettre au clair la situation financière et successorale le
nouveau marié note dans un Restanzen-Buch (livre
de créances) les sommes encore dues à ses parents
et
recouvrées par voie d’huissier en 1910 et 1911. Le
commerce de la rue du Colombier est vendu. K. J. Fuchs, dont on peut
penser qu’il a touché au moins une partie des
fonds,
regagne avec son fils Joseph
le canton de Schwyz
d’où il
était
originaire. Il s'y remarie en 1910 avec Maria Margaritha Mercier et se
retrouve veuf une seconde fois dès 1916. Lui-même
décède en 1923 à l'âge de 52
ans.
Une
vie
Les
débuts dans la vie sont difficiles pour le petit Joseph
Fuchs. Orphelin de mère à sa naissance, âgé de 8 ans au
décès de sa
belle-mère, il est placé chez une tante
paternelle
à Menzingen dans le canton voisin de Zug. Lorsque son
père meurt à son tour il
revient, à 15 ans, dans sa ville natale de Mulhouse, devenue
française entre-tremps. On peut supposer qu'il a
cherché
aide et protection auprès de ce demi-frère
Hans,
qu'il ne connaît pas, mais qui est déjà
bien
installé dans la vie. La mémoire
familiale n'a
cependant gardé aucune trace de ce séjour.
Pendant quatre
ans il est
apprenti jardinier, puis à 19 ans - comme Hans avant lui -
il
est
tenté par l'aventure et va travailler comme jardinier dans
différents hôtels à Evian, Lyon et
Nice, puis en
Suisse où il revient après un périple
de cinq ans.
Ces années nomades prennent fin quand, employé
à
l'hôtel thermal de Bad Schinznach en Argovie, il fait la
connaissance en 1933 d'un
fabriquant de soieries, M. Stehli, qui
précisément
cherche un jardinier pour sa propriété
d'Obfelden,
près d'Affoltern. La "villa
Stehli" avec ses trois hectares
de
parc a été construite par l'ancêtre
Emil Stehli en
1875-76 pour servir de résidence d'été
à la
famille de l'industriel. Située sur une colline, elle fait
face
aux anciens bâtiments industriels de la Stehli Seiden AG dont
elle est séparée par la rivière. Si
elle est de
par sa fonction de dimensions
relativement modeste, le parc - dont va s'occuper Joseph - lui vaut
d'être aujourd'hui classée au patrimoine. C'est
dans cette
villa qu'ont été tournées les
scènes
d'intérieur du film "Heidi". Quant aux
bâtiments de l'entreprise ils ont été
reconvertis en
bureaux et commerces, la production textile ayant
été
délocalisée.
Joseph & Johanna
Joseph se laisse tenter par cette "place
à vie": c'est donc par un pur hasard qu'il vient s'installer
près d'Affoltern la ville natale de son
demi-frère. En
cette
même année 1933
arrive à la
propriété
une
toute jeune soubrette, Johanna
Saxer, âgée de 14
ans,
originaire de Schenkenzell en Forêt-Noire. Pour tous les deux
la
place est stable et c'est presque naturellement que Joseph, devenu
entre-temps jardinier en chef, épouse Johanna quand elle
atteint
ses 21 ans en 1940.
Ils auront 6 enfants qui ont essaimé
dans
toute la Suisse. Ils feront presque partie de la famille des
propriétaires qu'ils accompagnent dans leur
résidence secondaire à Silvaplana
où Joseph "fait le butler". Ils ont peut-être
connu Margaretha,
cette fille d'Emil
Stehli
qui a survécu au naufrage du Titanic, comme de
nombreux
passagers de première classe, et n'est
décédée qu'en 1955.
Hans
entretiendra des
relations
cordiales et constantes avec son demi-frère. Plus jeune de
21
ans, «Seppi»
ou «Seppala»,
«mon brave et
gentil frangin», viendra régulièrement
lui rendre
visite en vélomoteur et entretenir son
jardin
quand il sera trop âgé pour le faire. On
possède deux photographies de Joseph en
1998, peu avant sa mort, avec son épouse Johanna devant la villa des
patrons et devant leur maison
à colombages dans le
parc. A l’initiative de
Xénia une
rencontre familiale a eu lieu en avril 1999 près de
Birsfelden,
la localité où Gottfried Krebs
s’était
établi un siècle auparavant; elle a permis de
faire la
connaissance d’une partie de cette descendance.
Le 1er
septembre 1910,
le jeune ménage installe une
nouvelle
laiterie
(habitation et commerce) au 110 Fb. de Colmar
à
Mulhouse dans une ancienne petite ferme avec cour,
écurie et fenil. Ce déménagement ne
les
éloigne guère de leur
précédent domicile de la rue du Colombier,
mais il est judicieux d’un point de vue commercial, le local
se
situant maintenant directement dans la rue la plus passante du
quartier. Ils y resteront presque trente ans avec la famille agrandie,
jusqu’au 31 août 1938. Le cadre est encore semi
champêtre. Un ruisseau coulant derrière la maison
constituait un terrain d’aventures pour les enfants (une rue du
Ruisseau en conservait encore le souvenir dans les annés 1930).
Ils
avaient
un compagnon de jeux en la personne de
"Ratti"ou"Rattala"
un chien ratier ébouriffé, qui
apparaît sur plusieurs photographies dans les
années 20.
Il ne reste plus rien de cet environnement: l’emplacement est
occupé, en 2005, par une centre de contrôle
technique
automobile.
Des
enfants naissent à intervalles rapprochés:
après Jean/Hansi
en 1910 vient Robert/Robi
en 1911, Gottfried/Godele
en 1912, Paul/Poli
en 1914 et Xénia
en 1915. Une photographie de l'été
1918
rassemble la famille – à l’exception du
petit
Gottfried
décédé – dans une attitude
compassée
qui reproduit celle de la génération
précédente. Énergique et
avisée, Anna
assumera la lourde tâche d’élever les
enfants,
d’assumer les coups du sort et d’épauler
un mari
dépressif et enclin à des coups de
tête.
Aidée de sa nièce Marguerite Trautmann,
alors âgée d'une vingtaine d'années,
c’est elle
qui en vrai Mère
Courage prendra les rênes, au
sens propre comme au sens
figuré, lors de l’emprisonnement de son mari en
1921. Elle
n’aura guère eu le temps de lire au cours de cette
existence bien remplie: comme livre personnel on ne conserve
d’elle qu’un ouvrage de piété
populaire,
imprimé en gros caractères à
l’usage des
vieilles gens. Cependant l’empreinte religieuse est moins
accentuée de ce côté de la famille que
du
côté Obrecht-Schmitt.
Le
faubourg de Colmar en 1910