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Où Jean faillit perdre son chapeau
Il s’agit d’un
deuxième séjour en Hongrie,
à Budapest,
du 11 avril jusqu’au 5 mai 1937.
Jeanne ne
rejoint son mari que le 21 avril, annonçant à sa
mère:
«J’ai mangé mes Kasbredla [biscuits ou
sandwichs au
fromage]. Je suis contente d’avoir retrouvé mon
Jeangala». Ils retrouvent aussi la Hadik Pensio, et Jean
l’usine Frama
ainsi que, pour cinq jours,
l’entreprise Magyar
à Ujpest. Cette fois, c’est le printemps,
et la
capitale se montre sous son plus bel aspect: le Mont Gellert
("Gellerthegy") est tout
en fleurs. Sur l’île Sainte-Marguerite
se déroule la compétition de tennis
Hongrie- Belgique. Jeanne prend la pose dans une tenue
particulièrement élégante: une sorte
de redingote
de drap avec un col cranté et un petit chapeau de feutre
coquettement incliné sur ses cheveux coiffés
à la
garçonne. On se baigne dans l’eau chaude de la
piscine
Gellert, on goûte l'eau sulfureuse
des sources
Juventus et Attila. L’arrivée, le 3 mai, de Kurt Schuschnigg,
le nouveau chancelier autrichien, est
saluée
par des
illuminations nocturnes admirées depuis le kiosque du
Gellert.
C’est enfin la saison de la foire internationale de Budapest,
où le couple se fait photographier devant le pavillon
«Textil».
Sur une carte montrant l’entrée du
bâtiment
principal, Jeanne met des guillemets au mot
«foire», sans
doute en se remémorant celle de Leipzig. Il n’est
plus
question de gigantisme: ici elle voit des «choses
pittoresques». Datée du 3 mai, il s’agit
«malheureusement» de la dernière carte
de ce
séjour particulièrement
apprécié.
De Hongrie on repasse
directement en Tchécoslovaquie
où
on retrouve Königinhof/Dvur
Kralové, du 5 au 10
mai, puis Mastig/Mostek,
du 12 mai au 24 juillet 1937. Jean vient renforcer une
équipe qui comprend MM. Berner, Bianchi, Buchmann, Ghidotti
et
Sauter. La mission concerne à nouveau l'usine Mandl qui
étale ses vastes bâtiments à
proximité du
village. L’Hôtel
Tins (adresse en 2005: namesti
T.G.
Masaryka 60) est moderne puisqu’il a l’eau chaude
courante,
mais les communications étant toujours difficiles avec
Mastig,
on se décide, comme la
fois précédente, à changer pour la
pension Gernert,
déjà connue, qui possède par
derrière un beau jardin et un grand étang. Une carte du
21 mai
montre la pension avec une croix sur une fenêtre de
l’étage.
Le
temps est d’abord froid: les premières
photographies montrent le parc municipal de Königinhof encore
presque hivernal où l'équipe des
ingénieurs-conseils se promène en manteau (dans
les
bureaux c'est la blouse
blanche qui est de rigueur). Ensuite survient
une période de chaleur («il doit faire
bon dans notre jardin de Modenheim») et Jean et Jeanne se
font photographier au soleil dans le jardin printanier en fleurs -
Jeanne fait même le "hasala" [petit lapin] dans l'herbe
fraîche. Ils se baigneront plusieurs fois dans
l’étang de leur pension ou
à Königinhof, où se trouve une
«magnifique
piscine», ou encore à la piscine
champêtre de Mariabrunn,
à l’occasion d’une excursion de
Pentecôte dans cette localité et au
Switschin
(610m). Il y
a aussi un tennis dont on profite à Mastig-Bad.
C’est le
temps des fraises, dont Jeanne est friande, qu’on
achète
par 2 kg tous les 2 ou 3 jours à Hintermastig; puis
ce sont
les
premières tomates et cerises. Jean achète des
souliers
Bata à 32 F, ce qui correspond au prix d’un
ressemelage
à Mulhouse, et un nouveau costume (très
cintré).
Les samedis on va à Königinhof
déjeuner au Tins et manger une glace chez Frieda.
Derrière cette
image de paix on voit se dessiner l’ombre portée
des
conflits futurs. L’école de Mastig, sur une carte
postale,
porte une inscription en allemand; sur une carte de Arnau/Hostinné,
une
bourgade des environs avec son hôtel
de ville baroque, tout est bilingue, jusqu’au cachet de la
Poste.
Les propriétaires de la pension, les Gernert, de souche
allemande, habillent leurs enfants Margrid et Gotti en petits Souabes:
"Dirndelkleid" et culotte de cuir. Cependant, la mention allemande
«Böhmenwald», que la
mère de Jeanne inscrit sur le courrier à
destination de
sa fille, est «chaque fois rayé à gros
crayon», et toute l’équipe est
convoquée
à la police locale.
Dans ses deux
dernières cartes Jeanne avoue que sa mère lui
manque.
Petite consolation: les nouvelles de France parviennent
régulièrement, avec un jour de retard,
grâce
à un abonnement de trois mois à Paris
Soir.
Juste avant le
départ, les dirigeants de la société,
MM. Gherzi
et Levy, viennent contrôler le travail de
l’équipe.
On part le 24 juillet 1937, à 8 h 30, pour Stuttgart
où on
arrive à 23 h pour une nuit au Schlossgartenhotel -
aujourd’hui hôtel 4 étoiles,
Schillerstr. 23. Le
lendemain, départ de Stuttgart à 7 h 43 pour
Bâle,
où le père de Jean accueille le couple
pour le conduire
en Citroën à Mulhouse
où on arrive enfin
à 15
h.
Jeanne retrouve sa
famille - c’est-à-dire sa mère et son
grand-père - et va rester auprès d’elle
pendant que
Jean, sorte de pompier volant, repart aussitôt pour une
semaine
en Allemagne,
dans la Forêt-Noire, du 25
juillet au 1er août 1937, à Zell, où
il
s’était déjà rendu en
décembre de
l’année précédente, et
à Wehr,
plus
au Sud, près de la frontière suisse. Dans cette
dernière ville aussi un Musée du Textile (Textilmuseum Brennet) rappelle
l'importance historique de cette industrie pour la région.
Jean confirme son
arrivée à Zell, le 27 juillet, par une
carte qui montre une
petite ville rurale et semi industrielle typique de la
région.
Il rejoint son collègue Ghirardelli qui attend aussi un
«beautyfull [sic] baby» pour l’automne.
Il loge cette
fois à la Krone,
face à l’Hôtel Löwen
où il était descendu avec Jeanne en
décembre 1936.
Un problème: il a oublié son chapeau dans le
train (il
portera toute sa vie des chapeaux, même quand la mode en sera
passée). Le 29 juillet une carte de Wehr annonce:
«Tout va bien
le chapeau a été retrouvé».
Avant de
rentrer, il fera encore un saut au siège à Zurich.
L'étang
Le jardin