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"Le boulot est grand" et Jean est son prophète
C’est ainsi que Jean est
envoyé, depuis la Tchécoslovaquie, pour une
mission
brève mais mouvementée en Allemagne,
à Ettlingen,
du 29 janvier au 5 février 1937. Il aura
l’occasion de montrer son ardeur et son efficacité
lors de
ce déplacement express, mené à la
hussarde, qui le
conduit d’abord à Nuremberg où il
profite
d’une demi-heure d’arrêt du train pour
envoyer
à Jeanne une vue de la maison de Dürer, dans son
environnement encore intact d’avant-guerre. Le timbre
à
l’effigie de Hindenburg porte le tampon
«Nürnberg Die
Stadt der Reichsparteitage» et la croix gammée. Le
lendemain il est à Zurich, où il se rend au
siège
de la société Gherzi et où
«tout s’est
bien passé». De là il continue, le 31
janvier, vers
Bâle d’où il envoie une carte
à Jeanne (St-Antoniuskirche,
un rectangle de béton que l'architecte
Karl Moser vient d'acherver en 1931) pour lui
annoncer
qu’il va à Mulhouse «avec notre autorail
d’1
h», sans doute pour y passer la nuit.
Enfin, le 1er
février, il arrive à Ettlingen, comme le
confirme
une
carte envoyée ce jour à Jeanne depuis cette
petite ville,
encore champêtre à l’époque,
au sud de
Karlsruhe. Le même jour, il donne à sa
belle-mère
des nouvelles très pragmatiques:
«déjà
commencé à en foutre un coup. Le voyage
[Mulhouse-Ettlingen] n’était pas long et a
coûté 61 F». Dès le lendemain
2
février, c’est à Jeanne qu’il
annonce,
«à l’hôtel devant un
bock», son retour
dans trois jours: «La filature est déjà
terminée il reste le tissage». Le tissage a
été vite expédié puisque,
le lendemain
déjà, il dit espérer partir le soir
même,
à 22 h, après un conseil
d’administration, et il
conclut; «La santé est bonne le moral aussi et le
boulot
est grand». D’après son
tempérament le moral
devait en effet être proportionnel au travail! Pourtant, le
conseil a dû traîner en longueur
puisqu’il
n’arrive finalement que le 5 février, comme
l’indique Jeanne dans une carte en allemand à son
grand-père.
Le 14
février, a lieu une excursion mémorable
à
skis à la Schweizerei
(1360m),
une sorte de ferme vosgienne
enfouie sous la neige, à une trentaine de
kilomètres à l'ouest de Freiwaldau, au flanc du
Schneeberg.
Le collègue Buchmann est de la partie et signe
la carte
écrite là-haut qui annonce - après un
bon repas -
un retour en schuss.
Nouvelle excursion le 14 mars, toujours en
compagnie de M. Buchmann: on se rend, à pied cette fois, au restaurant
du refuge jouxtant la tour de la Goldkoppe.
En chemin, Jeanne se fait
photographier buvant
à la source Diana
dans la forêt. Les photographies se multiplient
d’ailleurs
depuis janvier 1937, comme si Jean s’était offert
un
nouvel appareil pour le Nouvel An (le fameux Voigtländer
à
soufflet qui lui fera un long usage?).
la
Schweizerei
Un
intermède à la fois touristique, professionnel et
familial est constitué par la visite de la foire de Leipzig, du
27 février au 4 mars. Jeanne rapporte qu’elle a
visité, dans cette foire «immense et
colossale», la
partie ménagère pendant que son mari
était dans la
section textile. Ils logent chez Lucie, la tante paternelle de Jeanne.
La cousine Lotti (Charlotte), qui ne se mariera qu’en 1943 et
habite encore chez ses parents, accompagne Jeanne dans sa visite. Une
autre carte, représentant la foire, nous apprend que Jean a
profité de ce déplacement pour visiter des
entreprises
dans les petites villes industrielles du sud de la Saxe, en bordure de
l’Erzgebirge et de la frontière
tchèque: Aue,
à une cinquantaine de kilomètres au sud de
Leipzig, et
«Eibach» (peut-être Eibau
où existe
toujours l'entreprise de machines textiles Xetma Gematex). Son
commentaire sur
l’événement:
«Plus de 9.000 exposants et le premier jour 120.000 visiteurs
dont 39.000 étrangers», et encore: «Quel
monde il y
avait, c’était formidable».
C’est toute la
volonté de puissance du IIIe Reich qui s’exprime
dans ce
gigantisme. La carte, à destination de ses parents
à
Mulhouse, est signée aussi par Lucie, son mari et leur fille
Lotti. Le
voyage à Leipzig a été
l’occasion
d’avoir un aperçu de Dresde, mais de Breslau ils
n’ont vu que la gare où ils ont passé
la nuit.
Le 31 mars, Jean envoie encore une dernière carte
à
Jeanne depuis Freiwaldau, avant de la rejoindre à Mulhouse
où elle est rentrée seule la veille: elle
représente le «Priessnitz-Sanatorium» de
Bad Gräfenberg (632 m), une
station de cure fondée en 1837 par
Priessnitz sur les hauteurs de Freiwaldau. La
balnéothérapie se pratique encore de nos jours
dans cet
établissement qui est devenu un hôtel
de luxe.
Jeanne
restera jusqu’au 20 avril pour des vacances à la
maison
alors que Jean repart, dès le 10 avril, pour une nouvelle
mission.