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Le temps des copains
Un
grand
pas
dans le rapprochement des jeunes gens a lieu à la
Pentecôte
1933. Ils se
retrouvent à Lucelle à l'occasion d'un séjour organisé par l'Union Chrétienne de Jeunes Gens,
peut-être à
l'instigation de
Jean, car Jeanne ne semble pas avoir fréquenté
l'UCJG
auparavant. On a vu que leurs albums respectifs conjuguent
désormais les mêmes photographies. C'est le
printemps et,
comme les années précédentes, filles
et
garçons rivalisent de fantaisie dans une
atmosphère qui
paraît euphorique. Les garçons en particulier
grimpent dans les arbres, font le
"poirier", jouent à saute-mouton. Même Jean,
d'habitude posé, participe à
ce déchaînement dionysiaque. Une nouvelle
rencontre, moins
mouvementée, a lieu en été 1933,
toujours à
Lucelle. Cette fois c'est le petit groupe d'amis qui s'est peu
à
peu cristallisé au fil des rencontres du SUM et de l'UCJG
qui se
donne rendez-vous pour quelques jours de détente et
d'excursions
à la mi-juillet. Dans ce cercle intime il existe
déjà entre Jean et Jeanne une
indéniable complicité puisqu’ils
détournent ensemble, par
plaisanterie,
un
formulaire administratif de demande de congé.
C’est Jean
qui le remplit pour son amie, en le datant de
l’ «Ecole de Lucelle, le 16 juillet
1933»; il
lui fait demander 60 minutes de congé le 18 juillet avec
pour
motif: «je désirerai [sic] aller jouer au tennis
ce jour
là».
En cet
été 1933 Jean et Jeanne n'auront
guère
davantage l'occasion de se rencontrer. Lui travaille chez
Schlumberger
et continue certainement à aider ses parents dans leur
commerce;
elle prolonge son activité d'institutrice dans un centre
aéré à Illzach durant le
mois de
juillet. On la
voit diriger en souriant les activités de tout jeunes enfants
avec manifestement plus de plaisir qu'avec les garnements de
l'école primaire. Peut-être
Eliane, Yvette, Pierre et Jean (elle a noté quelques noms)
se
sont-ils souvenus longtemps de leur gentille monitrice...
Au mois d'août
elle retourne voir la mer en un voyage organisé de
deux semaines qui réunit une quarantaine de ce qui semble
être des enseignants de tous âges. Un M. Meier
émerge de ce lot assez quelconque d'hommes en
bérets et
de femmes en chapeau. Par sa prestance il a manifestement
séduit
Jeanne et... Jacqueline qui - bien entendu - est du voyage. C'est la Normandie
qui est au programme cette fois, du 9 au 25 août,
avec
Houlgate, Cabourg, Trouville et, au Havre, une visite du paquebot le Champlain.
On se baigne à Houlgate - un peu, d'autant qu'un
grand gaillard de garde en imperméable est
préposé
à la surveillance de la plage en ces jours de grande
marée. Jeanne et Jacqueline, comme en Bretagne,
préfèrent se promener sur la plage,
également en
imperméable.
Noël
1933
aussi voit les tourtereaux
séparés,
peut-être pour la simple raison que Jean ne dispose pas des
mêmes loisirs que Jeanne. Leur relation n'est d'autre part
pas
encore suffisamment officialisée pour une invitation aux
fêtes familiales. Jeanne ne renonce pas pour autant
à ses
"vacances de Noël" qu'elle passe dans les Vosges à
pratiquer ce sport qu'elle a appris à aimer: le ski. C'est
avec
un groupe de visages inconnus qu'elle part de Wesserling pour gagner,
à pied, le
refuge des Amis de la Nature du Treb
à proximité
du
Markstein. Sans doute ces vacances ont-elles été
suivies
durant l'hiver d'autres journées en montagne dont on n'a pas
gardé la trace, à l'exception d'un 25 janvier
ensoleillé passé au Markstein avec Jacqueline.
C'était un jeudi, jour de congé pour nos
institutrices.
au
Treb Noël 1933
Ce
n'est qu'au
printemps 1934
que
se constitue
un groupe
cohérent autour de
quelques amis
qui pendant l'année vont se fréquenter
assidûment,
se retrouvant régulièrement dans les Vosges ou
même
une fois en Suisse. "Charlot" Buchi, Charles et Marie Daske, Jacqueline
Haas, Marthe Lutz, Charles Mertz, Auguste Weiss constituent le noyau du
groupe qui n'est pas toujours au complet et s'adjoint à
l'occasion
un nouveau visage. L'éclosion du jeune couple en devenir est
comme portée par cette atmosphère de chaude
amitié. A l'Ascension 1934 ils sont dans les sous-bois des
lieux-dits Sulznase
et Bildstoeckle.
Pour le week-end de la Pentecôte
ils se
retrouvent au Grand Hôtel du Honeck
d'où "toute la
bande"
envoie ses salutations à Mme Schmitt. Ils escaladent
un des "gendarmes" de l'arête granitique
des
Spitzköpfe,
descendent canoter
à
Gérardmer en se
rafraîchissant à la cascade
Charlemagne.
Les photographies
prises en
cette saison encore fraîche montrent des jeunes gens en
pantalon
de golf et pull sans manches, des jeunes filles en
imperméable
et grosses chaussures de marche.
De cette époque datent plusieurs agrandissements
qui
doivent
être l’oeuvre d’un des garçons
de la bande. En juin chemises blanches et robes sont de rigueur pour un
beau dimanche
au bord de l'eau au jardin de Modenheim avec la
mère et le grand-père de Jeanne. Après
le repas on
écoute des disques sur le gramophone à manivelle
et les
jeunes pagaient sur le Quatelbach. "O
temps suspends ton vol" note
Jeanne au dos de la photographie où elle est en kayak
avec Jean.
Mais le temps s'écoule comme l'eau de la cascade du Seebach
où on se rend le dimanche suivant et d'où on
revient en
un joyeux monôme après avoir fait les
fous au lac du
Ballon. "Songeons à rentrer avant minuit" écrit
Jeanne
... Ce long printemps de 1934 est vécu comme une
période
de bonheur insouciant.
rencontre
au
sommet (du Hohneck)