Où l'on voit une institutrice distribuer des fessées
Par l'agenda de Jeanne pour 1935 -
l’un des deux seuls qui
ont été conservés - on est
bien renseigné sur cette année, et en particulier sur les activités
pédagogiques de la jeune institutrice. Ainsi, elle s’interroge avec une
certaine inquiétude, le 4 janvier , lors
de son retour à Wittelsheim après les vacances de
Noël: «Que sera la vie scolaire dans cette nouvelle
année???». On est assez vite fixé: si
le 7 janvier
a été une "journée paisible
à
l'école", le 12 porte l'annotation "dure journée
à
l'école" et le 15: "journée marchait
grâce aux
fessées". Au fil des mois les jours
pénibles sont
plus
nombreux que les jours paisibles. Un soulagement relatif est
apporté par les absences qui rendent la classe plus
maniable. Avec l'hiver, la maladie frappe, et au 12 février
on
lit par exemple: "20 absents bonne jounée"; le lendemain,
avec
24 absents, la journée a dû être encore
meilleure.
C’est
une existence mouvementée qui s’annonce pour cette
nouvelle année, et non seulement sur le plan scolaire. En
raison
de leurs occupations professionnelles respectives à
Stosswihr et
Wittelsheim, les fiancés ne se rencontrent plus que le
week-end
où plusieurs genres d’occupation entrent en
concurrence.
Lorsqu’ils restent à Mulhouse, ils
fréquentent
ensemble le temple, alternant Saint-Étienne
et Saint-Paul
où officient le pasteur Lickel,
qui les mariera, et le
pasteur
Koehnlein qui les a confirmés.
L’après-midi est en
général dédié au sport, en
compagnie de
Jean qui est spectateur au stade et plus souvent acteur avec
l'équipe de basket du SUM.
Des matches opposent le SUM
à des équipes aussi
prestigieuses que le CAM
(Club athlétique de
Mulhouse) et le Foyer
Alsacien et, une fois, à
une équipe de l’extérieur, Graffenstaden.
Ce sport,
introduit en France en 1893 par des
Américains du YMCA, se développe à
Mulhouse
à partir de 1919 avec la rivalité entre le Foyer
et le
CAM, l'un comme l'autre plusieurs fois champion national.
Occasionnellement, à
la
belle saison, on joue au tennis avec des
amis «au zoologique».
Le souper est souvent pris
chez la famille Krebs,
et la soirée se termine au cinéma où
Jeanne se
rend plus souvent en compagnie de Robert et Xénia, ou de sa
nouvelle amie Jenny Fey, que de son
fiancé, sans doute fatigué et devant se lever
très
tôt le lundi matin. Les films sont en français: Tartarin
de Tarascon, Zouzou, Nana, Mireille, Les
Trois Lanciers du Bengale, ou en allemand: Blume
von Hawaï, Es war einmal ein Musikus, Die Sonne geht auf,
Hochzeit am Wolfgangsee. On note par
exception une
soirée au théâtre - l'opérette Dreimädchenhaus
- à laquelle Jeanne assiste avec deux amies et
Xénia.
Les jeunes gens fredonnent les airs d'opérette
des
films en
allemand qui ne sont pas encore concurrencés par la
révélation d'un style plus moderne avec les
premiers
disques de Charles Trenet, le "fou chantant". C'est d'après l'actrice et chanteuse Lilian Harvey, la vedette du film Die Drei von der Tankstelle, que Jean et Jeanne prénommeront leur deuxième enfant. L'agenda de Jeanne fait
allusion à un goûter en musique chez Ch. Daske,
mais il
faut surtout se
représenter de joyeuses soirées familiales. Les
musiciens
de la famille Krebs, Robert
et Xénia,
se mettent au piano et
jouent
les airs à la mode dont on a conservé plusieurs partitions (achetées
chez Jules Streker, 26 Passage du
Théâtre). Comme pour les films les chansons
marient
culture allemande et française. Des compositions
allemandes: In einer
kleinen Konditorei ou Schöner
Gigolo côtoient des adaptations
françaises: Ich
küsse Ihre Hand Madame devient Ce n'est que votre main Madame;
Wenn der weisse Flieder wiederblüht devient Quand refleuriront les lilas
blancs.
A ne pas oublier non plus dans le domaine musical ni le gramophone et
les disques 78 tours que Robert commence à collectionner, ni
l'imposant poste de radio qui apparaît sur certaines
photographies.
chez les Krebs